TROISIEME VOYAGE (1998),
ATHENES (BIS)

Mon troisième voyage en Grèce a lieu, du 25 au 29 mars 1998, en compagnie de Yorgos Loukos, ancien danseur français d’origine grecque, directeur à l’époque de la danse à l’opéra de Lyon, un compagnon idéal, qui parle la langue du pays !

-Mercredi soir 25 mars 1998

Aujourd’hui, c’est fête nationale ! Elle commémore la révolution de 1821. C’est l’hiver ! Je me promène sous la pluie jusqu’à la place Syntagma, puis au cœur de Plaka sans croiser qui que ce soit ! Des trombes d’eau envahissent le ciel et les restaurants sont déserts. Je suis seul dans les rues de la cité ; la ville m’appartient ! Je dîne au Daphne’s, dans un décor de fresques et de fleurs séchées. La clientèle, grecque et étrangère, est chic ! Je déguste un gigot farci et un assortiment de pâtisseries grecques ou plutôt orientales…

Le vent et la pluie perturbent mon sommeil. J’ai froid : le chauffage est en panne !

-Jeudi 26 mars

Les flocons de neige virevoltent sur toute la ville ; le mont Hymette est couvert de neige. Quelle beauté !

Un taxi me conduit au musée de l’art des Cyclades : j’y contemple des figurines de marbre stylisées, à l’instar de ces visages imaginés par Giacometti ou Brancusi, d’une exceptionnelle pureté géométrique, sculptées 2800 à 2300 ans avant Jésus Christ en cet archipel des Cyclades. L’art moderne est né en Grèce il y a 5000 ans !

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Ce musée offre aussi au visiteur une petite collection de tanagras (IV°-I° siècles avant Jésus Christ). Ces tanagras, fragiles et élégantes statuettes de terre cuite, apparues aux IV° et III° siècles avant Jésus Christ. Découvertes en Béotie, au XIX° siècle, elles furent sans doute créées à Athènes à partir des 340-330 avant Jésus Christ. Elles représentent des patriciennes, des danseuses, des éphèbes, voire des enfants…

Je déjeune de poulet grillé et de baklavas au Néon (Nouveau), restaurant moderne, chic, glacé et   « branché ».

Je découvre, le temps d’une promenade, le quartier cossu de Kolonaki, au pied du Lycabette (hauteur, 277 mètres). Je rentre en taxi sous pluie battante et vent violent… Un temps à céder à la sieste… La furie des éléments prive la plupart des quartiers d’Athènes d’électricité, et donc, de téléphone, de fax, etc. Voilà que toute la vie est désorganisée. Comment faisaient les Athéniens de l’Antiquité ? La ville dont les génies ont éclairé le monde occidental, au fil des siècles, est plongée dans les ténèbres !

Que faire ? Je dévore la revue « Autrement », documentée, originale et instructive. Mon collègue Yorgos et la chanteuse Dimitra Galani ont, à ma demande, annulé notre rendez-vous du jour sans objet.

A 19 heures, Athanassios Fourgiotis, qui œuvre dans le secteur du disque et du spectacle, me rejoint à l’hôtel : effectivement, nous nous connûmes, à Paris, jadis !

La taverne Xinos m’accueille, le temps de savourer un agneau rôti, arrosé d’un bon retsina. Je parcours à pied les rues désertes et me décide, enfin, à prendre un taxi pour rentrer à l’hôtel.

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-Vendredi 27 mars

Le temps est gris et le vent souffle. De temps à autre, la pluie tombe à verses… Malgré les intempéries, je décide d’entamer une promenade au détour des bosquets, aujourd’hui silencieux et déserts, de Philopappou, en partant de la maison du compositeur Mikis Théodorakis. Je savoure le calme et me livre à une brève méditation…

Depuis plusieurs jours, je m’interroge, entre autres, au sujet de ce nom qui m’intrigue, Philopappos, dont un monument funéraire, édifié au début du deuxième siècle après Jésus Christ sur la colline des Muses, commémore la mémoire. En fait, sénateur romain, Caius Philopappus fut contraint à l’exil et vécut la majeure partie de sa vie en Grèce. Il est considéré comme un bienfaiteur de la cité d’Athènes.

Du sommet de l’une des collines de la ville, le regard n’aperçoit pas la ville moderne, masquée par les frondaisons. Seule s’impose l’Acropole : spectacle splendide et émouvant ! Plus loin, au pied du monument dédié à Philopappou, couvert de graffiti imbéciles, le regard embrasse la mer de couleur grise aujourd’hui, les bancs de sable dorés par la lumière intermittente du soleil, Salamine et des sommets nimbés d’un voile de brume et là-bas, sans doute, le Péloponnèse : panorama grandiose !

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Il suffit de traverser la route pour se retrouver au pied de la solennelle Acropole. J’achète un billet (2000 drachmes) pour accéder au site. On emprunte un chemin boisé jusqu’à l’Odéon Hérode Atticus, dont le fond de scène est composé d’arcs, scène antique, gradins restaurés : c’est impressionnant ! Plus loin, à gauche, on admire les ruines du théâtre de Dyonisos. « Deux éventails ouverts ». Plus haut, domine l’Acropole, citadelle et sanctuaire. On y accède par les Propylées, massives et imposantes colonnes, qui s’élèvent sur deux niveaux, achevées en 431 avant Jésus Christ. L’architecte s’appelait Mnésicles. A droite, le gracieux temple d’Athéna Niké. Une fois franchies les Propylées, à droite, s’impose le Parthénon dans la plénitude de son volume parfait, dont l’architecture obéit à l’ordre dorien. En 438 avant Jésus Christ, c’est le premier des édifices achevés, de ceux dont Péricles (V° siècle avant Jésus Christ) avait ordonné l’édification. Le maître d’œuvre s’appelait Phidias, l’architecte, Ictinos et l’entrepreneur, Callicrates. Autrefois, le Parthénon était peint : « architecture fardée », il était polychrome. L’Erechteion, d’ordre ionique, monument édifié au V° siècle avant Jésus Christ, recèle le fameux portique des cariatides, soit les statues de six jeunes-filles, elles composent les colonnes supportant l’entablement du monument. Une sorte de baldaquin de pierre… Au-dessus du tombeau de Cécrops, fondateur mythique d’Athènes et premier roi légendaire d’Attique, s’élève ce portique des Cariatides, mais malheureusement ce sont des copies (voir plus loin). Nous foulons le lieu le plus sacré de l’Acropole : on y vénérait les héros légendaires, ceux qui avaient fondé la cité. Là également se situe l’épisode mythologique de la querelle entre Athéna et Poseidon…

Du belvédère, on peut admirer Plaka et la cité d’Athènes, les montagnes enneigées et le Lycabette.

Visitons le Musée de l’Acropole pour admirer les kore de couleurs, ces statues qui représentent des jeunes-filles, les frontons divers et le « porteur de veau », le moschophore, statue sculptée dans le marbre en 500 avant Jésus Christ, les quatre cariatides ou caryatides authentiques une cinquième est à Londres, la sixième est fort mutilée), ces statues de femmes souvent vêtues d’une longue tunique, qui soutiennent un entablement et apparaissent essentiellement sur les édifices d’ordre ionique…

-Samedi 28 mars

Ce soir-là, nous dînons « grec » dans un restaurant excellent, choisi par l’ami Yorgos. Il est déjà tard lorsque nous gagnons le lieu du spectacle. Dès l’entrée de la salle, je suis stupéfait : une foule de Grecs, essentiellement jeunes, debout sur les tables, ponctuent le rythme en martelant le bois de leurs pieds et hurlent les chansons de la chanteuse ! Ils couvrent la voix de Dimitra Galani, debout au centre de la scène et entourée de dix musiciens : clavier et flûte, baglama et bouzouki, percussions, batterie, contrebasse et basse, guitare, accordéon et piano, deuxième clavier et bouzouki, entre autres… A la stupeur, succède l’énervement, puis la colère : je suis venu écouter Dimitra Galani, dans la perspective de l’inviter à se produire à Paris et, il m’est impossible de l’entendre ! Les Grecs chantent comme d’autres respirent, dit-on. C’est une hygiène. Et une folie !