PREMIER VOYAGE (1979),
LA DECOUVERTE

Mon premier voyage en Grèce se déroule du 23 février au 9 mars 1979. Le soir de mon arrivée à Athènes, je suis convié pour le dîner à la table d’une de mes relations. Les invités sont une jeune-fille qui, à Paris, a connu mon meilleur ami et un couple. Au cours du dîner, le mari, qui exerce la profession d’avocat, me dit : « Ici, si vous voulez gagner de l’argent, soyez joueur de foot- ball ou musicien. »

Musiciens

Effectivement, chaque soir, dans la capitale, une pléthore de chanteurs se partage l’affiche, c’est-à-dire qu’ils oeuvrent en ces salles de diverses capacités qui jalonnent la ville. Chacun de ces chanteurs est accompagné par une dizaine ou une douzaine de musiciens… le travail ne manque donc pas !

Ma rencontre, lors de ce séjour, avec l’un des meilleurs bouzouki (luth à manche long fretté) de l’époque sera brève. En effet, j’évoque l’hypothèse d’une invitation en France, la seule réponse de ce monsieur est : «  combien ? » Choqué, je reste sans voix. Constatant ma surprise et mon désarroi, il m’explique : « Entre les chanteurs que j’accompagne, les disques que j’enregistre et beaucoup d’autres petites choses encore, je n’ai pas une minute. Donc, si je voyage à l’étranger, c’est uniquement pour l’argent. » Voilà qui est clair, inutile d’insister !

Rebetiko

Dépité, un soir, je me plonge dans le « Athinorama », le Pariscope local, et découvre que le maître du rebetiko, Vassilis Tsitsanis, se produit le soir même au Harama, une salle excentrée…

athinorama-1984

(Voir sur ce même site, la relation de cette soirée : Ecrits du spectacle > Dits à la radio > Le Rebetiko, Vassilis Tsitsanis).

Les pierres racontent l’Histoire

Je profite de cette première mission en Grèce pour apprivoiser ce pays et saisi cette opportunité pour le visiter. Corinthe est l’un des ports majeurs du Péloponnèse, qui compte environ 25 000 habitants. Dans l’Antiquité, il était déjà une importante cité, qui abritait alors un temple dédié au culte d’Aphrodite, déesse de l’amour. Au cours de la guerre d’indépendance, au début du XIX° siècle, la ville fut détruite.

Le canal de Corinthe relie mer Egée et mer Ionienne ; il fut construit en une douzaine d’années à la fin de ce même siècle. Il s’étire sur six kilomètres et mesure vingt-trois mètres de large ; son étroitesse dissuade nombre de navires modernes de l’emprunter. L’une des richesses de la ville est le raisin : séché, il est exporté sous le label illustre des « raisins secs de Corinthe. »

Le site archéologique antique mérite une visite. Il recèle une acropole, comme Athènes et un temple d’Apollon, dieu des arts, édifié au VI° siècle avant Jésus Christ.

Asclépios

Je fais route en direction d’Epidaure. Sur le chemin, une halte s’impose au sanctuaire d’Asclépios, dieu guérisseur, un haut lieu de la médecine grecque. Dans l’Antiquité, les pèlerins accourent pour recevoir des soins. On y pratique une médecine enracinée dans les songes, bien avant le docteur Freud ! Le grand temple date du début du IV° siècle avant Jésus Christ.

Théâtre

Le théâtre d’Epidaure est une merveille ! Il a servi de modèle pour la construction de nombre de théâtres en Grèce. Edifié sans doute au début du III° siècle avant Jésus Christ, il accueille les concours en l’honneur du dieu médecin Asclépios. L’hémicycle du théâtre compte cinquante-cinq rangées de gradins en calcaire gris, divisé en deux niveaux par un couloir. Douze mille spectateurs (ou quatorze mille selon les sources) peuvent s’y asseoir et, l’été, assister à la représentation de tragédies d’Eschyle ou de Sophocle. L’acoustique, parfaite, est exceptionnelle : un son produit au bas des gradins se propage jusqu’aux rangs supérieurs. Croyez- moi, j’en ai fait l’expérience. Les architectes de l’Antiquité connaissaient-ils les rapports qui régissent le nombre d’or ?

Oracle

Au pied du mont Parnasse, au sud de la Grèce continentale, à 170 kilomètres d’Athènes, s’étend la ville de Delphes, qui jadis abritait l’ « omphalos », le « nombril du monde » en son temple d’Apollon, construit au IV° siècle avant Jésus Christ. Son oracle était légendaire. Le site est un vaste complexe archéologique, situé à flanc de montagne. Il recèle les vestiges des sanctuaires dédiés à Apollon et à Athéna, dite Pronaia, un ancien stade et un amphithéâtre, qui pouvait accueillir cinq mille spectateurs. Dans l’Antiquité, les pèlerins, originaires de tout le pays, se pressent pour bénéficier des conseils de la Pythie, ou Pythonisse, prêtresse la plus célèbre de l’époque. Censée être l’héritière des pouvoirs du dieu Apollon, sous l’effet de gaz divers (ou de drogues, selon les sources), elle entrait en transe. Des prêtres interprétaient ses paroles.

Au musée archéologique de la ville, je contemple et admire le fameux Aurige de Delphes, magnifique conducteur de char figé pour l’éternité…

Abimé dans la contemplation du site, comme en extase, je n’entends pas les gardiens, agacés par cet étranger qui paraît récalcitrant. Je regrette d’avoir cédé à leurs sollicitations et quitté les lieux avant la fermeture ! Une nuit, reclus volontaire et solitaire, à l’écoute de la Pythie, aurait été une rare expérience… Les dieux, souvent, habitent des paysages grandioses.