Samedi 18 décembre 2004 (Festival)

Sheik Ahmed Al Tuni et cinq musiciens

Ahmad al-Tûni, grand munshid égyptien et maître de l’inshâd, chante presque comme déclamait un comédien des temps anciens. Son sipa (chapelet musulman) à la main, il mime avec expression sa poésie, le balancement de son corps nerveux ponctue la virulence rythmique des dûff et de la tabla égyptienne. Mieux que quiconque, il évoque les anciens chanteurs, les mutrib, littéralement faiseurs de tarab, ceux qui provoquaient l’émotion des mots et de la voix.
Les mots racontent l’histoire des prophètes, leur sagesse, leurs exploits et leur dévotion, la voix, elle, déforme, module et façonne ces mêmes mots comme une véritable matière sonore. Elles sont des nuances de vie, d’amour mystique, de joie extatique, de désir et de passion douce amère. Souffrance de la séparation, angoisse de l’absence, sentiment d’abandon du corps, tout cela est rendu par la voix du munshid. A travers les étapes musicales de l’ibtihalat (supplication poétique libre), le tawashih diniyya (poésie religieuse basée sur un échange mélodique entre le soliste et le chœur), les qisas diniyya (histoires religieuses) et de l’inshâd sufi, il mène au saltana, l’extase de l’écoute.
Alain Weber