Ôbrée Alie

ÔBRÉE ALIE
Bretagne

Sou léz saodd ô médi
(Sous les saules le midi)

Bertran Ôbrée chant (en gallo)
Pierre-Yves Prothais percussions et batterie
Cécile Girard violoncelle
Matthieu Letournel trompette et contretuba
Erwan Bérenguer guitare

Son : Emmanuel Le Duigou
Lumières : Joël L’Hopitalier
Conseiller mise en espace : Fred Renno

Spectacle créé en coproduction avec Chubri et Le Dôme (Saint-Avé) en octobre 2002 avec le concours technique de la Salle Jean-Vilar (Lanester)

Le pays gallo
Ôbrée Alie est une curiosité. Pour l’heure, il est unique. Et il surprend. À l’écoute on n’identifie guère cette langue aux sonorités mélodieuses. C’est le gallo, « une langue britto-romane héritée du latin populaire », précisent les experts. Elle est parlée dans la partie orientale de la Bretagne : en certaines terres rurales de Loire-Atlantique, d’Ille-et- Vilaine, de l’est du Morbihan et des Côtes d’Armor. De nos jours, le pays gallo finit, à l’ouest, là où commence le pays bretonnant. C’est en cette langue – d’aucuns diront « patois » – que chante Bertran Ôbrée, la voix versatile et séduisante du groupe Ôbrée Alie. Longtemps méprisée, elle connaît depuis plusieurs années un regain d’intérêt et une vitalité nouvelle. De Nantes à Saint-Brieuc. L’ambition du chanteur n’est pas de la « défendre ». « Je chante avant tout en gallo parce que cette langue me permet de m’exprimer sur le plan artistique et émotif », dit-il. Et son chant la magnifie.

L’idée d’allier, regrouper, assembler
C’est à l’âge de seize ans, en 1983, qu’il commence à « travailler sur cette langue » que parlaient ses grands-parents. Muni d’un carnet, il pratique le collectage : il note le vocabulaire. Au baccalauréat, il choisit l’option gallo. Plus tard, la cotraduction à plusieurs plumes du premier album de Tintin en gallo sous le titre de Sus l’île naire, lui permet, dit-il, de se « familiariser avec la traduction littéraire d’éléments langagiers de la conversation plus courante ». En 1995, il travaille à la rédaction d’un dictionnaire bilingue, ce qui l’incite à s’ « immerger beaucoup plus dans le parler des anciens ». La traduction d’un autre album de Tintin, Lés dorûres a la Castafiore, le conduit à approfondir ses connaissances des sciences du langage. En 1998, il rédige un mémoire de maîtrise dans cette discipline, consacré à certains aspects de phonétique et de phonologie observés en gallo. Tous ces acquis seront précieux pour le groupe Ôbrée Alie. Le nom est étrange. Le premier vocable est le patronyme du chanteur tel qu’il s’orthographie en gallo ; le second suggère, dans ce même idiome, l’idée d’allier, regrouper, assembler.
Dès l’âge de seize ans, parallèlement à son intérêt pour la langue, Bertran Ôbrée commence à chanter « en privé » et lors des « assemblées gallèses ». Il s’immerge dans le répertoire traditionnel de l’est de la Bretagne. Mais celui qui subsiste, relativement maigre et méprisé, a été enfoui au fond des tiroirs.

Enrichir et perpétuer la tradition
Bertran Ôbrée s’intéresse d’abord à la complainte, puis aux chants à danser, mais ceux-ci ne le passionnent guère. Au cours des années 1988-89, il étudie avec Gilbert Bourdain et Erik Marchand ainsi qu’auprès de Dastum. Ainsi approfondit-il sa connaissance des styles traditionnels. Avec Alix Quoniam, il apprend à poser sa voix. Il participe également à l’atelier de technique vocale qu’anime Agnès Brosset à l’école de musique de Pontivy. Il se nourrit, dit-il, de l’influence de conteurs et de chanteurs gallos – Albert Poulain, Eugénie Duval, Mélanie Houëdry, Marie-Ange Boissière… et bas-bretons tels qu’Erik Marchand et Yann-Fanch Kemener. Il apprécie les traditions chantées d’Afrique du Nord et le flamenco andalou comme les improvisations vocales du basque Beñat Achiary… Par plaisir, il aime s’adonner à cet art avec des amis. Voire en scène. C’est d’une grande beauté. Une riche palette pour colorer son chant et, au fil du temps, élaborer une esthétique personnelle et originale.
Pour élargir le répertoire, il imagine des musiques traditionnelles « nouvelles », adopte et adapte des sonorités venues d’ailleurs. Il écrit aussi contes et chansons en gallo. Ainsi contribue-t-il à enrichir et perpétuer la tradition.

Pièces traditionnelles et compositions originales
À la fin des années 90, il s’engage dans une voie professionnelle et, en 1996, un premier duo associe la voix de Bertran Ôbrée et la guitare de Mikaël Coroller. Trois ans plus tard, il s’enrichit des percussions de Pierre-Yves Prothais et du violoncelle de Cécile Girard. Ce quatuor enregistre un premier album, Alment d’if (tranquillité d’if), qui réunit pièces traditionnelles et compositions originales. Ce disque, publié en mai 2000 chez Coop Breizh, est loué par la critique. Un coup de maître ! Un nouvel album est prévu courant 2003.

Chaque chant est ciselé comme un diamant
À l’automne 2001, le groupe intègre Matthieu Letournel, trompette et contretuba et, enfin, en mars 2002, le guitariste Erwan Bérenguer succède, au sein du quintette, à Mikaël Coroller. C’est cette formation originale, animée par un esprit de créativité, qui entourera Bertran Ôbrée sur la scène du Théâtre des Abbesses. Elle tisse une musique qui emprunte à la tradition et au jazz, à l’improvisation et au rock comme à la musique classique. Elle exhale des parfums de voyage. Cette musique est riche aussi des influences de diverses cultures et elle joue avec la musicalité du gallo. Nul besoin de l’étiqueter traditionnelle : elle est d’hier et d’aujourd’hui. Elle vit.
La voix, bonifiée par divers apprentissages, est posée. Envoûtante, elle suscite une sensation de légèreté. Les ornements qu’elle brode évoquent, à l’occasion, des motifs orientaux. Les arrangements obéissent à de subtils agencements et contribuent à la clarté du propos musical. Actuelle, l’écriture déjoue les préjugés. Chaque chant est ciselé comme un diamant.
Un paysage sonore inédit. Au-delà de la tradition, un nouvel écho d’une Bretagne vivante.

Jacques Erwan