Ensemble de Don Ca Tai Tu

Samedi 1 février 2014, 17h
Théâtre des Abbesses
ENSEMBLE DE DON CA TAI TU
Vietnam

 

LE SWING DU DELTA

Thanh Hai, cithare seize cordes dan tranh ; Ba Tu, luth deux cordes dan kim ; Ut Ty, vièle deux cordes dan co ; Le Van Truong Sing, guitare modifiée ; Kim Thanh, voix féminine ; Nguyen Thi Ngoc Dang, voix féminine ; Phan Minh Duc, voix masculine.

« Fais-moi écouter le chant de ton peuple, je te dirai quel sera son destin ! »

(proverbe vietnamien)

 

En décembre 2013, l’UNESCO a inscrit la tradition vietnamienne du don ca tai tu sur « la liste représentative du patrimoine culturel immatériel »…

D’abord, on a l’impression que le Vietnam éternel demeure. Au cœur des rizières s’échinent de longues théories de chapeaux coniques. Ici et là, déambulent marchands de l’utile et de l’inutile, vendeurs à la sauvette, ils perpétuent cette culture du trottoir et métamorphosent le pavé en un lieu permanent de convivialité et de négoce. Au sein de certains paysages, la beauté grandiose de certains sites est préservée… Pourtant, depuis 1986, avènement de la politique de rénovation, « doi moi », un peu partout, le béton de l’économie de marché brise le miroir des rizières : des tours s’élèvent et cette fameuse architecture, dite horizontale, tend désormais à la verticalité. Marguerite Duras ne reconnaîtrait guère son pays natal. Requiem pour les rizières ?

Malgré les bouleversements, les vicissitudes de l’Histoire et les avatars du présent, 90 millions de Vietnamiens, dont la moitié âgée de moins de trente ans, tentent de perpétuer leur culture. Certaines traditions ont évité les coups mortels et résisté aux blessures de cette hypothétique «  modernité ». On connaît les merveilleuses marionnettes sur eau qui, à l’occasion, s’évadent des rizières et charment l’Europe. Mais d’autres formes théâtrales et musicales subsistent encore, tels le théâtre tuong de Binh Dinh, au sud de Hué, l’ancienne capitale, le théâtre cheo, art millénaire du nord Vietnam, le théâtre ca tru, la musique de cour de Hué… Et en décembre 2013, l’UNESCO a inscrit cette ineffable tradition du sud Vietnam, le don ca tai tu, sur «  la liste représentative du patrimoine culturel immatériel ». Une tradition bien vivante.

Issue de la musique rituelle, ainsi que de la musique de cour et de la tradition de Hué, le don ca tai tu se développe à partir de la fin du XIX° siècle. Depuis, il se transmet oralement par imitation des maîtres instrumentistes et chanteurs. Echo du mode de vie et du labeur des paysans dans les champs et les rizières du delta du Mékong, on l’entend lors de fêtes et de célébrations diverses. Musique instrumentale, elle s’épanouit à partir des structures de vingt pièces originales, qui composent le répertoire et nourrissent l’improvisation ; parée d’ornementations, elle swingue comme le jazz. Chantée, elle puise au sein des trésors de la poésie vietnamienne. Originaire de Ho Chi Minh-Ville, l’ensemble invité joue, selon les pièces, en quatuor, trio, duo ou solo. Il se compose d’un luth dan kim tendu de deux cordes, comme la vièle dan co, d’une cithare dan tranh, nantie de seize cordes, d’une guitare « modifiée » ainsi que de trois voix. Deux femmes et un homme interprètent ces poèmes en langue vietnamienne. Une langue qui ne se prononce pas comme elle s’écrit. Elle chante sur six tons ses monosyllabes, sautillant comme l’eau sur les pierres d’un gave. Les interprètes cueillent les paroles au sein de l’un des trésors de la poésie vietnamienne, le célèbre poème « Truyen Kieu » de Nguyen Du (1766- 1820), ou bien s’emparent de ces poèmes anonymes qui s’inspirent d’un quotidien rural ainsi que des relations nouées entre belles-familles… La découverte d’une tradition !

Jacques ERWAN