Hommage à José Afonso

Mercredi 21 Novembre, 20h30
Théâtre de la Ville
UNE VOIX REBELLE, UN EVEILLEUR DE CONSCIENCE
JOSE AFONSO
HOMMAGE
Portugal

Francisco FANHAIS, Joao AFONSO, Antonio ZAMBUJO, Mayra ANDRADE et Yara GUTKING, chant
Julio PEREIRA, direction musicale, mandoline, guitare, voix
Miguel VERA, guitare, voix, Yara GUTKING, claviers, chant, et Marcos ALVES, percussions.

Vie, œuvre, action de José Afonso ont préludé à la Révolution des œillets, la forge de l’Histoire. Au Portugal, vingt-cinq ans après sa disparition, la mémoire de José Afonso se porte bien. Son œuvre discographique est rééditée, la télévision et la radio lui consacrent nombre de programmes et les jeunes s’approprient ses chansons…
Au terme d’une enfance partagée entre Portugal, Angola et Mozambique, et d’études secondaires et universitaires à Coimbra, José Afonso  commence à chanter en 1949. Il a vingt ans ; il ne cessera guère, quelque soient les difficultés, d’exercer cet art. Du fado lyrique de Coimbra, il évolue vers la ballade ; à partir du début des années soixante, il s’engage dans « la chanson d’intervention politique ». En ces temps de censure et de répression, ces chansons, diffusées par les radios d’Alger et de Conakry, sont écoutées en cachette.
José Afonso est, sous la dictature de Salazar et Caetano (1932- 1974), l’une des voix les plus écoutées par les opposants au régime. Une voix rebelle quand, officiellement, Amalia Rodrigues règne sur les scènes. Diffusée dans la nuit du 25 avril 1974, « Grandola », l’une des chansons du proscrit, donne le signal de la Révolution des Œillets. Reprise dans tout le pays, elle devient un hymne. Célèbre auprès du grand public, au Portugal comme à l’étranger, son auteur ne cède pas à la tentation du vedettariat ; sa fonction est d’une autre nature, éveiller les consciences.
José Afonso choisit la chanson comme arme politique ; orfèvre, il en cisèle la forme artistique, textes et musiques. Poète, il affine son style au fil du temps et, même quand les métaphores s’effacent au profit d’un langage plus direct et plus incisif, la langue ne s’appauvrit pas. Par ailleurs, José Afonso chante les mots des autres, de Aires Nunes (XIII° siècle) au contemporain Manuel Alegre, en passant par Luis de Camoes (XVI° siècle) mais également l’espagnol Lope de Vega (XVI°-XVII° siècles) ou l’allemand Bertolt Brecht. Pour assurer l’impact de ses paroles, souvent poétiques, il imagine de solides mélodies, soutenues par des rythmes efficaces. Ses musiques se nourrissent abondamment de la tradition et des musiques populaires du Portugal, de l’archipel des Açores à la province de Tras Os Montes, au nord, en passant par celle de Beira-Baixa, au centre, mais aussi des harmonies et des rythmes africains voire, à l’occasion, brésiliens. Sa voix séduit d’emblée ; elle traduit une vive sensibilité et exprime toutes les nuances de l’émotion.
Intellectuel, ce francophone émérite, est professeur de portugais, d’histoire et de philosophie dans les lycées du Portugal puis, du Mozambique, de 1964 à 1967. En 1968, il est chassé de l’enseignement pour raisons politiques… Il vit alors de leçons particulières et de son activité musicale ; celle-ci, soumise aux tracasseries et aux avanies des autorités, se déroule dans la clandestinité. Au cours des cinq années qui précèdent la Révolution des Œillets, il pratique la pédagogie du chant et de la parole, activité propice à la prise de conscience politique de ses disciples. Le 29 avril 1973, il est embastillé à la prison de Caxias.
Après le 25 avril 1974, il se consacre à une chanson qui reflète les évènements politiques et s’investit – et s’épuise- dans la défense du pouvoir populaire : campagne de « dynamisation culturelle » et mouvement des coopératives. Après quelque répit, il poursuit sa tâche d’éveilleur de conscience, voire de provocateur, dans un Portugal alors gouverné à droite : chansons-documents, écriture automatique, mots empruntés à Michelet ou à Reich… Sans délaisser le langage direct de la chanson destinée à informer, il tend, depuis quelques années, à user d’un langage plus métaphorique.
En novembre 1981, il offre une série de cinq récitals au Théâtre de la Ville. Quelque temps plus tard, victime d’une incurable maladie, il se trouve fort démuni. Le 28 janvier 1985, le Théâtre de la Ville organise, en son honneur et à son profit, une soirée destinée à recueillir quelques fonds, avec Paco Ibanez, le Cuarteto Cedron, Gilbert Laffaille…
Auteur de quatorze disques, José Afonso s’éteint le 23 février 1987. Sa dépouille repose au cimetière de Setubal : une sépulture modeste, à son image.
C’est la mémoire de cette voix rebelle et de cet éveilleur de conscience que le Théâtre de la Ville célèbre : soirée en son hommage, sous la direction musicale de Julio Pereira, à ses côtés sur scène, en novembre 1981, à laquelle participent Francisco Fanhais, un autre de ses compagnons, Joao Afonso, son neveu, chanteur lui aussi, l’illustre interprète de fado Antonio Zambujo, la talentueuse chanteuse cap-verdienne Mayra Andrade et, Yara Gutking, voix de l’ensemble de Julio Pereira.

Jacques Erwan

Voir également :
José Afonso, dans la rubrique Phares
Hommage à José Afonso, exposition au Théâtre de la Ville