Lee Jaram

Dimanche 13 Mars 2011 17h
Théâtre des Abbesses
LEE JARAM
PANSORI BRECHT SACHEON-GA
Corée

Spectacle sur-titré en français.

Modernité d’une tradition
Initialement peuplée de tribus nomades venues d’Asie centrale et de Sibérie, il y a quelques 30 000 ans, la Corée a, au fil du temps, édifié un royaume dont l’unité s’est perpétuée du VII° siècle jusqu’à la domination japonaise en 1910. Ce pays a aussi forgé une culture originale dont témoignent aujourd’hui de multiples formes musicales, littéraires, théâtrales, chorégraphiques anciennes et contemporaines ainsi qu’un art culinaire subtil et une riche cinématographie, inspirée et inventive. Au « pays du matin calme », la vitalité culturelle est intense et, les esprits, Bouddha et Confucius se donnent la main…
Issu du shamanisme et de la tradition des conteurs, le pansori, dans sa forme classique, est un chant épique et dramatique, interprété par une voix et accompagné d’une percussion. Masculine ou féminine, cette voix, entraînée au cri, est rauque et expressive : elle chante et profère une parole stylisée.
Dès le VI° siècle, on assiste aux prolégomènes du pansori : les hwarang, les « garçons fleurs »,beaux et élégants, composent une société d’adolescents liée aux shamanes. C’est un ordre qui prodigue une éducation éthique, militaire et artistique. Ces jeunes gens pratiquent le chant et la musique en des lieux sacrés tels que les montagnes ou les rivières… Ceux qui leur succèdent, les kwangdae, délaissent le lien avec le shamanisme. Ce sont des raconteurs d’histoires itinérants, des bardes , et, ils puisent dans un fond de contes connus une forme de chants et de récitatifs. Ainsi naît le pansori, au cours des XV° et XVI° siècles.
Mais, c’est au XVIII° qu’il se développe en un art sophistiqué, distinct de l’art et du répertoire de ces bardes itinérants ; il poursuit son ascension sociale et se transmet par voie de tradition orale jusqu’au XIX° siècle.
Aujourd’hui, le pansori est une sorte d’opéra traditionnel coréen, populaire et raffiné, à deux personnages. L’acteur- chanteur- narrateur (sorikkun) se tient debout : maquillé et vêtu du costume traditionnel, il use de sa voix et de deux accessoires, un éventail et un mouchoir et, expressif, joue, chante et dit tous les rôles, dialogues compris, d’une œuvre dont la durée varie de quatre à huit heures .Un musicien (gosu), assis à sa gauche, l’accompagne : il frappe un puk, tambour à deux faces, et l’inspire par ses variations rythmiques et ses interjections.
Le répertoire repose, depuis le XIX° siècle, sur ce qu’il est convenu de nommer « les cinq grands pansori », fondés sur les « cinq relations principales » définies par Confucius comme un idéal à atteindre par une société.
Lee Jaram est une femme visitée par la beauté. Elle s’est initiée à cet art dès l’âge de quatre ans. Vingt-cinq années plus tard, elle en est l’un des fleurons. Nantie de cette parfaite maîtrise du pansori, elle en propose une forme contemporaine, « Pansori Brecht SACHEON-GA », oeuvre irriguée par l’esthétique de cet art et inspirée par « La bonne âme de Sechuan » de Brecht. C’est un drame mariant critique sociale et satire ainsi que le style narratif propre à cet art. On en suit facilement le déroulement grâce au sur-titrage en français. Auteur du livret et compositeur de la musique, elle en est aussi la magistrale interprète, et conformément à l’usage, elle y tient tous les rôles. Actrice accomplie, une attitude, un geste, un regard, un accessoire suffisent à camper les divers personnages du récit. Trois musiciens escortent chant et paroles de cette artiste émérite qui invente avec panache la modernité d’une tradition.

Jacques Erwan

lee jaram

Lee Jaram, pansori classique