Klapa Iskon’

Samedi 7 et dimanche 8 mars à 17H
Les Abbesses
KLAPA ISKON’
Croatie

Chœur polyphonique masculin
Marko Pecotic, Marko Lasic, Teo Bikic ténors
Mislav Blocina baryton
Zvonimir Kovacic, Ante Blazevic basses

Polyphonies dalmates

« Et néanmoins, sans la mémoire, que serions-nous ? »
Chateaubriand

À Split, sous la voûte bleue du ciel qui couronne, faute de coupole, le « vestibulum » du palais de Dioclétien s’élève un chant puissant.C’est celui de l’une de ces quelque deux cents cinquante « klape » recensées en Croatie. En dialecte de Trieste, une « klapa » est « un groupe d’hommes liés par des intérêts communs, principalement des rapports amicaux. »Chacune est composée de quatre à huit chanteurs, disent les uns, de cinq à onze, affirment les autres. Ils perpétuent la mémoire de la tradition profane et sacrée de la côte dalmate et des îles baignées par la mer Adriatique.
Nombre d’entre eux, chaque été, depuis 1967, se retrouvent à une trentaine de kilomètres au sud de Split, à Omis, village blotti à l’embouchure de la rivière Cetina, une sorte de fjord, refuge des pirates au Moyen Âge. Là, au pied de la forteresse vénitienne, dans un décor de village corse, sur une placette, se déroulent les finales d’une compétition de « klape » fort prisée. En 2008, après une rigoureuse sélection, neuf « klape » féminines et douze masculines concouraient pour gagner le prix du jury ou celui attribué par le public. Chaque « klapa » offre deux chants :généralement, un arrangement d’une pièce traditionnelle et une nouvelle composition dans le style traditionnel pour nourrir et vivifier la tradition. Une mémoire vive ! Les deux finales sont diffusées en direct par la télévision nationale. C’est dire la vitalité de cette musique et l’intérêt qu’elle suscite.
Cette tradition constitue un riche patrimoine hérité des brassages des diverses cultures qui ont irrigué le sud de la Croatie. Elle est, entre autres, le fruit de l’influence des chants liturgiques grégoriens et d’une inspiration mélodique méditerranéenne mais également slave. Récente, cette tradition urbaine est apparue au milieu du XIX° siècle dans ces petites agglomérations et ces villes de la Croatie méridionale. Au siècle suivant, elle s’est répandue dans les villages…Apanage des hommes, ces chants a cappella étaient offerts, le soir, comme une sérénade, dans les ruelles et sur les places des cités ou dans l’intimité des maisons lors des festivités familiales. C’est, en général, le premier ténor qui ouvre le chant ; il porte la mélodie de base.la deuxième voix, également ténor,se joint à la sienne ; la troisième, baryton, complète l’accord tandis que la quatrième, basse, accentue l’harmonie.
Les paroles, en dialecte local, s’inspirent de la vie quotidienne. Elles sont le miroir de l’existence laborieuse de ces femmes et de ces hommes, nés sur une terre aride, et appelés « sur les routes bleues de la mer. ». Elles évoquent travaux et amours, peines et joies ainsi que la nostalgie de cette terre natale abandonnée pour un exil vers des lointains incertains. Chants de séparation et berceuses, chansons satiriques et humoristiques, chants sacrés et airs de fête, hymnes à la mer et célébrations du vin- ces vins capiteux de Croatie- appartiennent aussi au répertoire des « klape ».
Mais les temps changent et la tradition, vivante, évolue. Aujourd’hui,  des « klape » féminines perpétuent aussi le cours de cette tradition, un accompagnement de guitare, de mandolines ou d’un trio à cordes peut, à l’occasion, soutenir discrètement le chant et, il arrive même que des chansons populaires empruntent ce style.
Le chant dalmate magnifie la voix. Il est une école de justesse et une quête de perfection. Dépourvu d’aspérités ou de rugosités, il est peaufiné à l’extrême : « trop parfait », diront d’aucuns. Subtils, ses interprètes métamorphosent les âpres sonorités de la langue croate en un chant suave.
Difficilement traduisible, le nom de l’ensemble Iskon’ se réfère au temps passé un temps où pour exprimer amours et peines, les hommes chantaient. Il évoque un autrefois révolu dont le groupe garde vivante la mémoire au fil de son répertoire grâce à ces mélodies héritées des aïeux. Fondée en 2000 cette « klapa’ , parmi les plus talentueuses, réunit trois ténors, un baryton et deux basses, six chanteurs émérites qui portent ces polyphonies, miroir de leur communauté. La pureté du timbre, la puissance et la beauté des voix ont contribué à la notoriété de cette « klapa » emblématique, ambassadeur d’une riche tradition vocale.

Jacques ERWAN

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