Divna et le choeur Melodi

Samedi 14 mars 17h
Théâtre de la ville
DIVNA ET LE STUDIO MELODI
Chants liturgiques orthodoxes
Serbie

« C’est l’heure solennelle,
Où l ‘âme aime à chanter son hymne le plus doux. »

Victor Hugo

Chants liturgiques orthodoxes, un reflet du ciel
La musique byzantine s’est propagée au fil de l’expansion de l ‘empire romain d’orient (IV°-XV° siècles) et de l’influence du christianisme qu’il véhiculait. Conséquence du schisme qui, au XI° siècle, sépara cette Eglise d’orient et l’Eglise d’occident, sa liturgie se distingue de celle de Rome ainsi que sa musique. L’orient célèbre la primauté de la voix. La musique s’envole des lèvres des croyants. Le chant irrigue la liturgie. C’est sur le fond commun du chant byzantin que chaque Eglise orthodoxe construit son propre style qui se distingue des autres par des nuances, des variations, voire des différences.
Dès sa prime jeunesse, Divna a été subjuguée par le chant sacré et il s’est emparé de son âme. « A l’époque où mon âme se cherchait, raconte-t-elle, je suis arrivée au monastère de la Présentation de la Vierge, à Belgrade, où les moniales cultivaient un style issu du chant de Karlovatz et chérissaient le chant traditionnel russe. J’ai entendu mère Agniya et les sœurs ;elles chantaient divinement et…voilà. »
Une telle affinité avec ce chant requiert sans doute une certaine innocence, comme une virginité de l’âme, vertus qui magnifient et subliment l’interprétation de ce répertoire sacré.
Ce chant, en effet, est un acte de foi. « La mélodie, assure Divna, peut être l’intermédiaire entre l’humain et le Divin, voire le rapport même avec le Divin. »
Née à Belgrade, il y a moins de quarante ans, au sein d’une famille qui nourrit de fortes convictions religieuses, Divna est immergée dès l’enfance dans la musique sacrée. Elle pratique le chant liturgique et suit une éducation musicale académique. La « révélation » lors de la visite au monastère de la Présentation décide de sa vocation :elle perpétuera la tradition du chant sacré. Et elle s’attachera à recréer un style d’interprétation tombé en désuétude au XIX° siècle du fait de la pénétration des chants russes au sein des églises de Belgrade.
Artiste précoce, Divna commence à diriger un chœur à dix-huit ans ! Trois ans plus tard, en 1991, elle se lance dans une nouvelle aventure : avec un groupe d’amis et d ‘associés, elle fonde, au monastère de la Présentation, le chœur et le studio pour la musique sacrée Melodi.placés sous la protection de saint Roman le Mélode. Appelé aussi le Doux Chanteur, il fût l’un des premiers et plus illustres poètes de l’Eglise orthodoxe. Chaque dimanche et chaque jour de fête, cette formation, dirigée d’oreille de maître par Divna, chante l’office. C’est à ce chœur, qui se produit aussi à l’étranger, qu’elle consacre l’essentiel de son activité artistique. Pédagogue, elle enseigne aussi le chant choral contribuant ainsi à la transmission de cet art ancien et à sa pérennité.
« Chants angéliques adressés à Dieu », le répertoire sacré est vaste. Il se compose de pièces monodiques, les plus anciennes, et de polyphonies byzantines, russes, serbes et bulgares, voire d’œuvres de compositeurs contemporains. Les chants sont interprétés en slavon- la langue religieuse des Slaves- grec, russe, serbe, bulgare, latin et même en anglais ou en italien pour les compositions les plus récentes. Le récital offert au Théâtre des Abbesses recèle des œuvres du VI° siècle à nos jours .Figurent à ce titre au programme, un chant de Rachmaninov, une pièce du compositeur britannique John Tavener, converti à la religion orthodoxe, et une autre d’Arvo Pärt. Ainsi la tradition s’enrichit et évolue, preuve de sa vitalité.
Mezzo-soprano, Divna est entourée de neuf complices dont les riches voix -soprano, ténor et basse- confèrent au chant tout son éclat. Elles forment ce chœur puissant qui enchanta, voici quelques hivers, le Théâtre des Abbesses. Conjuguant son art vocal et sa foi, il chante pour « incarner le mystère de la Sainte Trinité. Le silence qui précède la voix représente Dieu le Père, la voix soliste, la réincarnation du Christ et le bourdon qui emplit l’église (le fameux « ison » des voix basses) l’Esprit Saint. »
Divna, dit-on, chante comme elle respire. «  Sa voix est un don, son chant une offrande ».Une voix limpide et divine,oserait-on écrire ;un chant précis et pur. Ardente dans sa foi comme dans son art, elle dit simplement : « le talent est un regard de Dieu sur l’être ».
Joyau de la spiritualité orthodoxe, ce chant est un acte de foi mais aussi, à l’occasion, un appel au prosélytisme ainsi qu’un facteur d’identité : « Dieu est avec nous, entendez cela tous les peuples et convertissez-vous. Dieu est avec nous », proclame l’un des chants serbes.
Comme les œuvres de Bach, « LE musicien religieux par excellence », si l’on en croit Divna, le chant sacré orthodoxe ensoleille l’âme. L’âme de celui qui croit au ciel, l’âme de celui qui n’y croit pas.

Jacques ERWAN