COLOMBIE

16 au 26 mars 1985

GENERALITES

La Colombie se situe au nord-ouest de l’Amérique du Sud. Elle est indépendante de l’Espagne depuis le 20 juillet 1819. République à régime présidentiel, elle compte 48 700 000 habitants de diverses origines. Sa capitale est Bogota. L’économie repose pour l’essentiel sur la production de café, de fleurs, d’émeraudes, de charbon et de pétrole.

 

JOURNAL DE VOYAGE

Après une escale à Caracas (Venezuela), l’avion atterrit à Bogota le dimanche 17 mars aux aurores. A l’hôtel je retrouve Renaud, mon assistant, qui a organisé ce voyage et précédé dans le pays.

VILLE ANCIENNE

Nous entreprenons la visite de la ville ancienne, fort belle. Ici, un petit marché sous une halle (fruits, légumes, poisson et viande) qui s’étend alentour, en plein air, à même le sol. Ailleurs, des marchandes offrent aux chalands galettes de maïs, tranches d’ananas ou jus de fruits… Tout cela semble assez pauvre. Là, une église, la Candelaria, puis une autre, San Ignacio et une autre encore, San Francisco. Place Simon Bolivar, se déroule un tournoi d’échecs. Quelques rues du centre-ville sont fort animées ; en ce jour de repos dominical les grands magasins demeurent ouverts. Les trottoirs sont encombrés de marchands à la sauvette et de « gamins », enfants de la misère… La circulation automobile est intense, les bus tintinnabulent et les klaxons résonnent de leur voix rauque.

La visite du Musée de l’or atteste que l’art, autrefois, s’exprimait avec ce métal dans tous les domaines du quotidien, en usant de techniques et de motifs divers, géométriques, ou bien en spirale…

QUARTIERS

L’hôtel accueillera notre déjeuner avant que nous empruntions un taxi-guide, moyennant 2000 pesos. On découvre ainsi les quartiers pauvres, au sud, et les quartiers riches, au nord, Chico Alto et Chico Bajo, entre autres, qui abritent gouvernants, industriels, éleveurs… Le Rio San Agustin est la frontière : elle sépare ces classes sociales. « Ici, les pauvres travaillent beaucoup et les riches très peu », dit le chauffeur, qui poursuit : « s’il n’y avait pas de pauvres, il n’y aurait pas de riches et réciproquement. » Sagesse populaire !

On dînera à la Casa Vieja de la rue Jimenez.

Le lendemain, lundi 18 mars, la ville est très animée ; sur les trottoirs déambulent des milliers de personnes : marchands ambulants, vendeurs de billets de loterie ou de livres, mendiants, enfants misérables… Sur la chaussée, pétaradent dans le tintamarre des avertisseurs, des centaines de bus multicolores, des camions, des taxis, quelques voitures particulières et ces « caisses à savon » que les gamins « conduisent » avec une étonnante adresse.

LE SALAIRE DE LA PEUR

A la station de bus, celui que nous emprunterons vient d’’être briqué et ses couleurs rutilantes brillent. En revanche, l’un des pneus semble en mauvais état et au-dessus de la porte d’accès figure une inquiétante  devise: « Viajo seguro con Cristo ». Ici, il est prudent de croire au ciel… Notre bus entreprend une grande boucle dans les quartiers populaires de Bogota, et charge enfants rentrant de l’école, peones vêtus du poncho court et du chapeau noir, qui regagnent la campagne, et femmes aux traits cuivrés. Les visages des passagers offrent une grande variété de types humains, de l’Indien au Blanc en passant par toutes les nuances de la palette du métissage… Nombre de visages burinés sont, parfois, prématurément vieillis.

Le car prend, ensuite, la direction du nord, celle des beaux quartiers, puis gagne la campagne. C’est une plaine bordée de montagnes : champs des haciendas et bois d’eucalyptus se succèdent, des troupeaux de vaches paissent. Beau et paisible paysage. La conduite l’est moins : on roule vite, malgré le mauvais état de la chaussée, la suspension délabrée et les amortisseurs infirmes ; le chauffeur double à droite, ne respecte guère les feux et frôle à l’occasion le véhicule qui arrive en face… Une nouvelle version, sans doute, du « Salaire de la peur ».

Partis à 12heures15 du centre de Bogota, nous arrivons à destination à 14heures20 : Tenjo, un bourg rural au pied de la montagne.

TENJO

C’est jour de foire. La rue centrale est encombrée de bétaillères, d’ânes et autres mulets. Plantés à la porte des sombres tavernes et des cafeterias, paysans et maquignons discutent et négocient… A proximité, s’alignent quelques magasins, généralement dépourvus de vitrines… A droite, une rue adjacente conduit au champ de foire. Un modeste marché couvert offre sombreros, ponchos, vêtements divers et chaussures ; derrière des étals, des femmes, impassibles et taciturnes, vendent fruits et légumes… Les chalands ne sont guère nombreux.

A l’extérieur, des bêtes sont parquées dans des enclos ; quelques marchands proposent de la viande grillée et de la bière. Beaucoup de chiens errent en quête de leur pitance, quelques gosses misérables jouent auprès d’ânes chargés de lourds bidons.

A gauche de la rue principale qui traverse le village, une ruelle conduit à la place, parc ombragé de hauts et vieux arbres, cerné de deux églises- une ancienne fort belle et une neuve fort laide- de la mairie et d’un poste de police, de magasins agricoles, d’une épicerie générale et de deux vieilles bâtisses aux murs crépis blanc, coiffées d’un toit de chaume. Des arcades prodiguent leur ombre au visiteur.

La vie y coule calme et tranquille. Quelques paysans, vêtus d’un poncho et coiffés du chapeau traditionnel, devisent, tandis qu’un autre, longuement immobile, semble figé dans un temps sans mesure. Un homme passe, nanti d’une quantité de casseroles neuves, des adolescents vont et viennent, des kyrielles d’enfants jouent sur l’herbe, se taquinent et roulent par terre, des chiens vagabondent, toujours à la recherche d’une proie, une petite fille s’amuse assise sur un banc auprès d’un ancêtre. Un groupe de jeunes hommes, debout devant la mairie, discutent et regardent passer les filles. A l’ombre des arbres, des hommes se reposent… Ici, le temps semble avoir suspendu sa course. Le silence est troublé par les cris des enfants, les appels de la marchande de sucreries, le tintamarre des camions et des cars ou bien encore, celui des motos, parfois chargées de… cinq personnes !

A 16 heures, le car s’ébranle. Il atteindra Bogota une heure trente plus tard. Les embouteillages sont tels qu’ils dissuadent de patienter jusqu’à l’arrivée au terminus. Nous poursuivrons donc à pied… Les trottoirs sont noirs de monde ; un accordéoniste aveugle déplie les soufflets de son instrument, tandis qu’auprès de lui, trois hommes proposent des chiots aux passants, et un autre des antennes de télévision. La rue est le fief des petits métiers, rançon de la pauvreté.

La chaussée est parcourue par une multitude de bus, brinquebalant dans un fracas de tôles disjointes et un vacarme d’avertisseurs.

Bogota s’étend dans le désordre d’un urbanisme mêlant les styles les plus divers. La plupart des immeubles sont dépourvus de cachet, chaussées et trottoirs sont défoncés et semés de fondrières, qui sont autant de pièges pour le piéton inattentif. Bogota n’est pas une belle ville. A vingt-deux heures, la cité est déserte ; Bogota dort.

OBLIGATIONS PROFESSIONNELLES

Les jours suivants, mardi 19 et mercredi 20 mars, sont consacrés à des rendez-vous professionnels avec les maisons de disques, des rencontres avec des artistes comme les Amerindios ou ce trio (harpe, guitare, maracas-voix) entendu à la Casa Vieja, aux retrouvailles avec la chanteuse argentine Mercedes Sosa et à son concert devant un public enthousiaste, ou bien encore à la découverte du « raspa », ce rythme propre à Bogota…

Du 21 au 24 mars, nous assistons au Festival de musique caraïbe à Cartagène : Cf. sur ce même site, rubrique Ecrits du spectacle, Paroles et musique, juin, juillet et août 1985.