Trio Chemirani

LE TRIO CHEMIRANI : LES ÉCLATS D’UNE TRADITION VIVANTE

Depuis une cinquantaine d’années, Djamchid Chemirani joue du zarb. C’est une percussion. Corps de bois en forme de calice, tendu d’une peau de chèvre, elle rythme la musique savante iranienne. Au cours du siècle passé, elle a également acquis ses lettres de noblesse comme instrument de concert.
Djamchid Chemirani est, aujourd’hui, un maître. Chanteurs iraniens et créateurs occidentaux se disputent son talent. Disciple de Hossein Teherani, disparu en 1976, qui créa des ensembles réunissant plusieurs zarbs, voire tout un orchestre, il ose un trio de zarbs. Avec ses deux fils, Keyvan, la trentaine révolue, et Bijan, le benjamin. Ils ont hérité d’un art. De leur père et maître, ils ont reçu un patrimoine musical ainsi qu’une éthique et les ferments d’une spiritualité.
Tous trois entretiennent une relation d’amour et de respect. Elle nourrit leur musique. Issus de la même source, ils partagent le même héritage. Pourtant, chacun conserve une personnalité et un style originaux.
Accordés, les timbres des trois zarbs diffèrent, ce qui favorise le dialogue. À l’occasion, une cruche en terre ou bien un tambourin se substitue à l’un d’entre eux et s’immisce dans la conversation. De longs moments consacrés à l’improvisation suscitent l’invention rythmique. Le répertoire emprunte aussi aux rythmes traditionnels et à ceux que prodigue la poésie persane qui en est riche. Audace et précision, fluidité et ruptures, Djamchid, Keyvan et Bijan, trois virtuoses, se jouent de la complexité des structures rythmiques. Les trente doigts frappent la peau et le bois comme autant de « tentacules d’une pieuvre épileptique », selon l’expression d’un journaliste. Ou bien, ils frottent la peau. Riches de sonorités mélodiques, ces percussions chantent puis, explosent comme les gerbes d’un feu d’artifice musical. L’état des musiciens confine à l’extase. Porteur d’une tradition vivante, ce trio n’engendre guère la monotonie ; il suscite un émerveillement de chaque instant. S’étonnera-t-on qu’il parcourt le monde ?

Jacques Erwan