Juliette Greco

Théâtre de la Ville, dimanche 7 février, 17h
Juliette GRECO, France

Gérard Jouannest, piano
Jean-Louis Matinier, accordéon

MERCI JULIETTE !

Juliette Greco ne fait pas ses « adieux ». Non, trop « grandiloquent ». A l’étranger et en France, elle effectue « la tournée des mercis ».

« Greco a des millions dans la gorge : des millions de poèmes qui ne sont pas encore écrits, dont on écrira quelques- uns », remarquait Jean-Paul Sartre. Le philosophe tint parole, il lui écrivit trois chansons : deux furent perdues, la troisième, « La rue des Blancs Manteaux », survécut… « Tout est de la faute de Sartre », me disait l’autre jour Juliette Greco. En effet, c’est grâce à lui, dirons-nous, qu’elle chante : il sut la convaincre. Et ainsi s’engagea-t-elle, pour quelques décennies, sur le chemin de la chanson : un chemin pavé de poèmes et fleuri de musiques. Ils composent un répertoire unique : il enchanta le public des premiers « 18heures 30 » du Théâtre de la Ville qu’elle étrenna.

On ne peut guère citer tous les auteurs et compositeurs que Juliette Greco « sert », comme elle aime à le dire : entre autres, Desnos, Prévert, Vian… Et aussi Trenet, Ferré, Brel, Gainsbourg, Aznavour, Béart, et Brassens qui, en 1955, lui offre « Chanson pour l’auvergnat » ; elle dit alors être « fière des mots qu’un seigneur m’a donnés ». Aucun des « grands » qui écrivent et composent ne lui est étranger ; ainsi, aujourd’hui, les fleurons de la jeune génération. Un répertoire unique et toujours renouvelé.

« C’est grâce à elle, et pour voir mes mots devenir pierres précieuses, que j’ai écrit des chansons », confessait Sartre. Des « pierres précieuses » en effet que ces joyaux, ciselés et magnifiés par cette voix, elle aussi précieuse, emblématique d’une époque dont elle perpétue la mémoire. Ainsi est-elle sans doute l’une des dernières à cultiver le vivant souvenir de Joseph Kosma, le compositeur des « Feuilles mortes », qui, raconte-t-elle, lui faisait répéter sa « première chanson », « Si tu t’imagines », un poème de Raymond Queneau, « avec un doigt sur le piano. » Que conviendrait-il d’ajouter au riche panégyrique de la Dame ? Ces mots de François Mauriac, cueillis dans son « Bloc-notes » : « Greco est le chef-d’œuvre unique de Greco. »

Jacques ERWAN

 

« Greco a des millions dans la gorge : des millions de poèmes qui ne sont pas encore écrits, dont on écrira quelques-uns. On fait des pièces pour certains acteurs, pourquoi ne ferait-on pas des poèmes pour une voix ? Elle donne des regrets aux prosateurs, des remords. Le travailleur de la plume qui trace sur le papier des signes ternes et noirs finit par oublier que les mots ont une beauté sensuelle. La voix de Greco le leur rappelle. Douce lumière chaude, elle les frôle en allumant leurs feux. C’est grâce à elle, et pour voir mes mots devenir pierres précieuses, que j’ai écrit des chansons. Il est vrai qu’elle ne les chante pas, mais il suffit, pour avoir droit à ma gratitude et à celle de tous, qu’elle chante les chansons des autres. »

Jean-Paul SARTRE

 

« Greco, ce beau poisson maigre et noir, n’a pas besoin de sauce pour passer ! Greco fournit elle-même  les câpres ! Noire et blanche, c’est la reine de la nuit. Son personnage est composé avec une science qui ne doit rien au hasard. Qu’elle est belle ! Et peut-être était-elle laide au départ. C’est une statue d’ivoire et de jais. Même les pommettes, on dirait qu’elle les a elle-même modelées. Beaucoup de chanteuses sont interchangeables. Greco est le chef-d’œuvre unique de Greco. Elle ne sera jamais prise pour une autre et aucune ne pourra jamais l’imiter. »

François MAURIAC (Bloc-notes)

 

Couverture-TDV-2016
Page-2-3

Page-4

Page-5

Page-6-7-8

Page-9-10