Christine Primrose et Alison Kinnaird

Samedi 2 décembre 1995 17h
ALISON KINNAIRD
harpe
CHRISTINE PRIMROSE
chant
Ecosse

Les ensembles de cornemuses – « pipebands »– célèbres dans le monde entier, ont probablement masqué la diversité, la richesse et la vitalité du patrimoine musical écossais. Aujourd’hui, en Écosse, la musique s’épanouit dans les familles, les pubs, les concours, les salles de concert, les festivals…
L’aurait-on oublié ? C’est en Écosse, à Skye (Hébrides), qu’est né, au XVIe siècle, le « Pibroch », la musique savante des Celtes. C’est essentiellement dans cette région des îles Hébrides et de l’ouest des Highlands que se perpétuent les traditions gaéliques et l’usage de la langue. Originaire de l’île de Lewis (Hébrides) Christine Primrose travaille au collège gaélique de l’île de Skye. Depuis trente ans, elle interprète, en gaélique, un répertoire « appris d’oreille » : chants d’amour et d’exil, complaintes et chansons pour fouler le tweed… Sa voix est aussi pure que l’eau des lacs d’Écosse.
Jusqu’à l’avènement de la cornemuse, sans doute au XIIIe siècle, la harpe était l’instrument privilégié. On lui prêtait, raconte Alison Kinnaird, le pouvoir d’inciter au sommeil…
Licenciée ès études celtiques ainsi qu’en archéologie, elle est l’une des plus illustres interprètes de cet instrument. Elle joue de la « harpe écossaise » – une harpe tendue de trente et une cordes en boyau – un répertoire enraciné au plus profond de la tradition ; harpe et chants alternent et se marient au fil de ce récital : la découverte d’une authentique tradition !

 

Des tourments de l’Histoire
L’Écosse naquit dans l’inclémence d’une nature rebelle, des tourments de l’Histoire.
Sur une terre ingrate soumise aux caprices du ciel, Pictes et Romains, Scots d’Ulster, Vikings et Angles, Gallois du Nord et Gaëls d’Irlande, Normands, Anglais et Flamands ont, au fil des siècles, forgé un peuple, une nation et une culture.
Convoitée par le voisin anglais, l’Écosse, finira par succomber. Non sans résister. Au début du XVIIe siècle, Jacques VI d’Écosse devient Jacques I d’Angleterre et transfère sa cour à Londres. Un siècle plus tard, l’union des Parlements des deux pays est scellée. À cette époque, deux tentatives de soulèvement des Stuart et de leurs partisans – les Jacobites – contre les Anglais échouent. La dernière, en 1746, à Culloden, est sévèrement, réprimée : les Anglais cèdent à la folie meurtrière et commettent exactions, atrocités, et massacres. Un traumatisme dont la mémoire collective – et donc le répertoire populaire – garde le souvenir. La répression culturelle – interdiction des instruments celtiques, du port du kilt, etc., succède à la répression militaire : elle ne parviendra guère à asphyxier la culture écossaise. Aujourd’hui encore, le patrimoine musical porte témoignage de cette Histoire tourmentée, l’évoque et s’en inspire.
Il se nourrit également de la sauvage beauté d’une nature austère et grandiose. L’homme y affronte l’espace et la démesure, le silence et la solitude. De cimes enneigées en lacs bleus, de collines vertes en sombres rivières, de landes tapissées de bure fauve en îles ourlées d’écume, son regard et son imagination vagabondent…

La richesse et la vitalité de la musique écossaise
Les ensembles de cornemuses (“pipebands”) célèbres dans le monde entier ont occulté la diversité, la richesse et la vitalié de la musique écossaise. Transmise de génération en génération, elle s’épanouit et évolue dans le cercle familial et l’émulation des compétitions, sur les scènes des théâtres et dans l’enceinte des festivals, dans la convivialité des “pubs” et… dans le cœur de chacun ! Partout, elle suscite l’enthousiasme d’un large public qui apprécie l’éventail des genres et des styles, gages de sa richesse et, peut-être, de sa pérénnité.
C’est essentiellement dans la région des îles Hébrides et de l’ouest des Highlands (ouest de l’Écosse) que se perpétuent les traditions gaéliques et l’usage de la langue.

Christine Primrose, sa voix aussi pure que l’eau des lacs de son pays
Originaire des Hébrides – elle est née dans l’île de Leuvis – Christine Primrose travaille au collège gaélique de Skye, autre île de l’archipel, patrie du “pibroch”, la musique savante des Celtes. C’est dans son île natale que, dès l’enfance, elle s’initie au chant gaélique. Depuis trente ans, elle interprète, en langue gaélique, un répertoire “appris d’oreille”. Sa voix est aussi pure que l’eau des lacs de son pays.

Alison Kinnaird, une des plus illustres interprètes de cet instrument
Jusqu’à l’avènement de la cornemuse, sans doute au XIIIe siècle, la harpe était, en Écosse, l’instrument de prédilection. On lui prêtait, raconte Alison Kinnaird, le pouvoir d’inciter au sommeil…
Licenciée des études celtiques, ainsi qu’en archéologie et, graveur sur verre, elle est l’une des plus illustres interprètes de cet instrument. Elle joue à la harpe écossaise, harpe tendue de trente et une cordes en boyau, un répertoire enraciné au plus profond de la tradition.
Complices de longue date, les deux femmes ont peaufiné un récital au fil duquel harpe et chants tantôt alternent, tantôt se marient : chants bardiques et imitation des oiseaux, complaintes et chansons pour fouler le tweed, “Port – a – Beul” * et “Ports” d’inspiration religieuse ou héroïque, chants d’amour et d’exil… Une tradition vivante : la revanche de Culloden ?

Jacques Erwan

* de “Puirt-a-Beul”, sonorités émises par la bouche se substituant à celles des instruments interdits.