Deuxième cahier

RENCONTRE AVEC LES ARTISTES

A l’issue de la représentation de cet opéra de Yue, les artistes nous accueillent; elles sont cinq femmes. Le spectacle, disent-elles, a exigé un mois de répétition et le contrat stipule trois mois de représentations. Si le succès se prolonge, au-delà de ce terme, celles-ci se poursuivront dans un autre théâtre de Nankin. Ensuite, une tournée se déroulera en Chine.

La tradition de cet opéra postule que tous les rôles soient interprétés par des femmes, y compris les rôles masculins. Mais aujourd’hui, certains rôles sont tenus par des hommes. Dans « La fille sans souci », le principal rôle masculin est tenu par une femme, madame Tchang, celui du petit-fils d’un roi par une belle et grande femme, et celui de « La fille sans souci », premier rôle féminin, par madame Sia. Pendant la Révolution culturelle, l’une a été envoyée en usine, l’autre dans une librairie. Ni l’une ni l’autre n’ont pu pratiquer leur technique vocale. Toutes deux ont dû, ensuite, repartir à zéro. Celle qui interprète le rôle de la femme a été formée vocalement pour jouer des rôles masculins et ne peut, en principe interpréter d’autres rôles. Son timbre de voix n’est ni celui d’une femme ni celui d’un homme. C’est, paraît-il la même chose pour tous les styles d’opéra : on forme un artiste pour un certain type de rôle. Le maquillage est superbe : la couleur rouge est fort utilisée. Les « rides » de la vieille femme requièrent une heure de travail avant chaque représentation. Il existe des règles précises de maquillage, qui varient en fonction des divers styles d’opéra, à partir desquels l’artiste apporte sa touche personnelle : il interprète. Les femmes portent des coiffures extraordinaires. Les artistes semblent quelque peu effarouchées par notre présence et nos propos.

De retour à l’hôtel, on déguste un café dans le jardin, et l’on converse, avant de sombrer dans le sommeil. Les réactions du public surprennent, mais le contexte est fort différent de celui dans lequel nous vivons. Ainsi, le public rit de certaines allusions au système qui prévalait avant la conquête du pouvoir par Mao. De plus, on l’a privé pendant dix ans de ce genre d’oeuvres sentimentales. Le guide précise : « les chansons d’amour étaient interdites, ce n’était pas normal ».

Il existe à Nankin quatorze troupes de théâtre permanentes pour la ville et sa région.

 

Nankin, vendredi 17 août 1979

SUN YAT-SEN

Sun Yat-sen est le pionnier de la révolution démocratique bourgeoise de la Chine, celle de 1911. Originaire de Canton, il est en 1912, à Nankin, élu président provisoire de la République chinoise. En 1925, il meurt à Pékin d’un cancer du foie. Pour accéder au mausolée, élevé ici à la mémoire de cette personnalité, on doit gravir 392 marches… Etant donné le climat, il faut, comme les Chinois, aimer les chiffres et du courage !

HISTOIRE DRÔLE ?

L’empereur Ming et le pain de maïs :
Il était une fois un empereur Ming qui, déguisé en vieillard, alla rendre visite à une famille de paysans. A l’époque, ceux-ci, pauvres, mangeaient du pain de maïs et, c’est avec ce pain qu’ils accueillaient leurs hôtes. On en offrit donc à l’empereur et, il apprécia. Mais, censé tout savoir, il ne put demander ce qu’était cet aliment. Il dit à son cuisinier : « j’ai mangé quelque chose de couleur dorée en forme de pagode ». Le cuisinier fit travailler son imagination, ainsi que celle de ses neuf collègues. Ils concoctèrent quelque chose à base d’œuf… L’empereur leur coupa la tête. Il ne mangea donc jamais à nouveau du pain de maïs ; et, par la suite, les cuisiniers impériaux se gardèrent d’imaginer quoique ce fut de spécial pour les empereurs.

MORT

Autrefois, on pratiquait l’incinération, puis on a adopté le cercueil jusqu’à la GRCP (Grande Révolution Culturelle Prolétarienne). Depuis lors, on a recours de nouveau à l’incinération. Autrefois, on conviait la famille à date fixe pour une cérémonie. Le cadavre était disposé sur une planche.

VOCABULAIRE

Quelques mots de chinois, appris en compagnie de monsieur Tcheng, notre guide, dans le bus :

-       Ni hao (ni-ha) : bonjour
-       Sié sié (schié-schié) : merci
-       Tsaitquien (tséchien) : au revoir
-       Poukechi (pokétchi) : je vous en prie
-       Tsé : oui
-       Po : non

Et pour compter avec les doigts :

  1. index levé
  2. index + majeur
  3. petit doigt + annulaire + majeur
  4. tous les doigts sauf le pouce
  5. les cinq doigts
  6. pouce + petit doigt
  7. pouce + petit doigt + annulaire
  8. pouce + index
  9. pouce + index sur le pouce
  10. = 2×5 : on retourne la main ouverte.

VISITE DU MUSEE DE NANKIN

Entrée du musée : 10 fen.
Vieux de plus de deux mille cinq cents ans, un portique de neuf cloches en bronze retient l’attention et le regard : « 2600 ans d’Histoire », observe le guide. Sur la paroi d’une tombe (317-420), deux luths… et une « guitare en forme de lune » :

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On admire une belle collection de porcelaines. L’évolution de la porcelaine, dit le guide, est due au « processus de cristallisation du labeur du peuple travailleur ». Cette évolution s’est déroulée ainsi : poterie => porcelaine verte => céladon => porcelaine bleue (sous les Song déjà, 916-1279). Puis, la porcelaine bleue s’épanouit sous les Ming (1368-1644). Elle demeure sous les Qing (ou Tsing), dynastie mandchoue, qui règne sur la Chine de 1644 à 1912. On contemple également des laques splendides, vieilles de huit siècles.
Parcours obligé, malgré leur laideur, on ne peut faire l’impasse d’un regard jeté aux statues ou tableaux qui représentent les dirigeants des révolutions paysannes… A partir d’un objet, le guide s’attarde sur « la vie luxueuse, l’opulence et la débauche d’un eunuque. »
L’acupuncture se perpétue en Chine depuis 6000 ans. On s’attarde au chevet d’un mannequin de bronze, vestige de l’enseignement de l’acupuncture : 360 points y figurent. On le recouvrait de cire, et entre le mannequin et la cire, on instillait de l’eau. L’élève devait piquer l’endroit précis pour que l’eau jaillisse.

La visite du musée a commencé par la préhistoire. Elle se poursuit en déclinant successivement :
-       la société esclavagiste,
-       la société féodale : 1840,
-       la société semi -féodale et coloniale : 1840-1911,
-       En 1851, révolution paysanne des Taiping : elle échoue à cause des « réactionnaires » de l’intérieur et de l’extérieur,
-       Les Boxers,
-       Sun Yat –sen,
-       Lu Shun (Lu Xun, 1881-1936), écrivain,
-       « Notre bien aimé camarade Chou En-lai (1898-1976) »…
-       « Sous l’influence de la grande Révolution d’octobre (Russie 1917)…»
-       1921 : fondation du Parti Communiste Chinois (P.C.C.) à Shanghai,
-       « Depuis la Libération, en 1949, le peuple chinois avance de victoire en victoire ».
L’accent est mis sur les révolutions paysannes. La visite du musée est une leçon d’Histoire et de politique chinoises, vues « à la lumière » de la pensée Marx-Lénine-Mao Tsé-toung. Le musée attire beaucoup de visiteurs, simplement mis, et d’enfants en bas âge, qui comme la plupart des enfants du pays, portent la culotte fendue sur les fesses.

Le SOIR, on se repaît d’un « Dîner spécial » :
-       Hors -d’oeuvres en forme de lanterne rouge (vin de riz, sorgho 45°)
-       Huit petits plats
-       Crevettes sautées
-       Poisson
-       Poulet enveloppé dans du papier
-       Canard avec des fleurs autour du soleil
-       Poisson en rouleaux
-       Raisin aux deux couleurs
-       La soupe de melon d’hiver avec lotus (légume sculpté)
-       Quatre desserts renommés.
-       Crème.
Un régal !
Les cuisiniers sont considérés comme des artistes. Le chef vient saluer : toast et applaudissements en guise de félicitations.

 

Chenchiang, samedi 18 août 1979

Au départ de Nankin, il faut une heure de train pour atteindre Chenchiang, ville située à 63 kilomètres, dans la même province. De nombreux Chinois voyagent dans ce train. Le compartiment qui nous est dévolu est confortable, mais tous, nous lui préférons le wagon-restaurant : repas médiocre, arrosé d’une bière chaude… Beau temps chaud et humide; mais par moment, le ciel se voile légèrement.
La ville compte 270 000 habitants. Avant la Libération, deux usines et demie, pourrait-on dire, y étaient actives ; aujourd’hui, elle en recèle plusieurs.
On visite le Temple de la colline Thior (VII° siècle), « saboté par la Bande des Quatre » ; désormais, on connaît la chanson… La vue est splendide.

JEUNE ARTISTE

Visite d’un petit atelier de travaux de peinture pour les étrangers. Un jeune Chinois, beau et timide, exécute des dessins au lavis selon un procédé tachiste. Son maître paraît sévère et ne semble guère satisfait du travail de son élève. Peut-être l’avons- nous dérangé ? L’une d’entre nous, dessinatrice émérite, lui offre son « portrait » qu’elle vient d’exécuter. Il le regarde longuement et semble très ému. « It’s very good », dit-il, puis il reprend son dessin. Quand nous nous quitterons, il nous serrera longuement et chaleureusement la main, à la donatrice du portrait et moi, avec un large sourire. Puis retrouvant ses amis, il aura un geste de satisfaction, ou d’humour, je ne sais.
Thé à la maison de thé près du monastère. La terrasse ornée de céramique comporte un mobilier ancien laqué, d’un ton sombre. Les inscriptions de marbre des fauteuils composent des dessins naturels. La vue, comme celle dont on jouit de la pagode, est superbe, mais on est malheureusement importuné par les odeurs nauséabondes émanant d’une papeterie. Depuis notre arrivée à la pagode, les autochtones nous escortent. Il faut comprendre : cette ville magnifique est ouverte aux touristes seulement depuis juillet 1978 et ses habitants ne sont pas encore habitués aux visiteurs étrangers. Ils nous dévisagent et nous suivent, mais leur curiosité n’est guère agressive.

PROMENADE

Visite du « centre animé » de la ville. Pour y accéder, nous empruntons une très longue rue bordée d’arbres. Elle grouille d’une foule qui semble vivre dans la rue. Les maisons basses ouvrent toutes sur la chaussée. Des vélos circulent dans tous les sens, ainsi que des véhicules en tous genres, des porteurs de palanches et des hommes traînant des charrettes lourdement chargées. On observe nombre d’échoppes, de rétameurs et de marchands ambulants… Tant de petits métiers, chez nous disparus. Dans le bus, nous sommes tous debout et n’avons pas assez d’yeux pour regarder ce turbulent spectacle de la Chine traditionnelle, étourdissant et grisant. C’est beau !
…Et voilà que l’on nous débarque dans le « centre », face au Magasin de l’Amitié… Dès notre arrivée, la foule entoure le car, et il faut se frayer un chemin sur le trottoir. Deux membres du groupe et moi, nous préférons marcher de par les rues, nous empruntons une sorte d’axe central, escortés d’une cohorte de 100 à 150 personnes, adultes, enfants et vieillards. C’est assez émouvant. On ne peut communiquer avec eux par la parole, et c’est frustrant. Heureusement, reste les regards, ces regards profonds et intenses, et les sourires. Ceux merveilleux et épanouis des enfants. On a tellement envie de les embrasser ! Pourtant certains visages expriment l’effarement.
J’achète des cigarettes chinoises et des allumettes à un kiosque dans la rue, tenu par deux femmes, qui me gratifient de larges sourires. Un vieillard tente de nous parler… Je lui offre une cigarette de ce paquet, mais comme toujours, il refuse. Nous poursuivons le long de cette rue, sous un véritable tunnel de verdure formé par les arbres. Les marchands de glace ambulants font tinter sans discontinuer leur clochette. A même le trottoir, officient des coiffeurs, un homme grille des graines en activant un petit soufflet qui attise un brasero, et des gens lavent leur linge. D’autres se reposent ou bien jouent aux cartes, assis sur des tabourets autour de tables basses en bambou. Les enfants et les hommes ont le torse nu et portent des shorts. Les femmes, même âgées, sont, elles aussi, le plus souvent vêtues de shorts. Nous revenons en suivant le trottoir opposé et achetons une pastèque à des marchands ambulants. Ils la découpent à notre intention. Pas facile d’avaler un morceau de pastèque, dégoulinant et truffé de pépins, tout en déambulant dans une rue, escortés par la foule ! Nous tentons d’entrer dans un « grand magasin », mais c’est impossible avec cette multitude à nos trousses ! Sur notre passage, les gens interrompent leur travail. C’est l’émeute ! On s’arrête devant l’échoppe d’un homme qui confectionne une sorte de beignet sur le pas de sa porte. Il nous sourit et… appelle sa femme. Il semble gêné; nous partons. Plus loin, deux gosses jouent sur une petite table; nous nous arrêtons, les voilà intimidés. Retour au « Magasin de l’Amitié ». Extrême « sollicitude » des responsables.
Le car est cerné par une foule, dont les enfants occupent le premier rang. Une légère bousculade naît, mais tous restent calmes. Départ pour l’hôtel « Colline d’or », un ancien hôtel pour cadres du Parti de la province, une sorte de résidence de style colonial. Dans le hall d’accueil, les fauteuils sont revêtus de housses. La cuisine, excellente, n’est pas dépourvue d’esthétique : petites crêpes et omelette fourrée enrichissent le breakfast. A l’étage, salon et chambres. Un autre célibataire et moi, nous disposons d’une sorte de suite : petit salon, vaste chambre à deux lits, salle de bains et terrasse. Le tout équipé de ventilateurs et de moustiquaires, ainsi que d’un thermos, de petites boîtes à thé et d’allumettes. De la terrasse, on jouit d’une vue magnifique sur les montagnes, une étendue d’eau et les champs, ainsi que sur une source dont l’eau est, parait-il, excellente pour le thé : « La première source sous le ciel », est-il écrit en caractères chinois sur le mur du bassin. Cette eau est chargée de bulles qui n’éclatent jamais…
Le dîner est délicieux : une sorte de goulash arrosé d’une bière de qualité, peu alcoolisée.

L’EVENTAIL

De 19h30 à 22h55, nous assistons à un opéra dans l’un des théâtres de la ville. La salle est grande (environ1800 places) et bondée. Tout le monde nous dévisage. Il fait très chaud; faute d’air conditionné, seul des ventilateurs brassent l’air. Il n’existe pas, ici, de troupe d’opéra permanente, mais celle qui se produit ce soir est là depuis un mois et demeurera encore un mois. Elle présente un opéra de Yue, du district de Wou Tsing, de la province où nous séjournons. Il s’intitule « Tchen Xian Chean », L’éventail en bois d’aloès. La légende qui inspire la pièce est fort ancienne, environ six siècles, mais il semble qu’elle ait été écrite récemment. Conformément à la tradition de ce style d’opéra, les rôles, y compris masculins, sont en général tenus par des femmes. Ce soir, l’orchestre joue, comme chez nous, dans une fosse. Il se compose de quatre hommes : deux violons chinois, gong, castagnettes, pipa – hautbois (?). C’est une musique agréable à l’oreille, sans doute inspirée de la tradition, mais composée ou réécrite à partir de cette source. Un genre de « musique légère » chinoise dont l’orchestration sonne « occidentale ». Les décors et les costumes sont superbes et respectent l’harmonie des couleurs ; mais ils sont plus sobres et moins « Châtelet » que l’opéra précédent. L’œuvre est drôle et le jeu des acteurs un peu plus « forcé » que ce que nous avons vu jusqu’à présent. Cependant, selon le comédien Philippe Avron, on sent qu’un code et des règles précises les retiennent. Cela rend leur jeu plus maîtrisé, plus solide. Et, il poursuit : « c’est la pièce la plus construite que nous ayons vu jusqu’à présent. La fin fait penser à Molière avec le deus ex machina qui dénoue la situation (voir « L’Avare ») et la multiplicité des prétendants ». C’est un marivaudage, « Marivaux plus Feydeau », dit le comédien Bernard Haller. Pour moi, ce serait plutôt une opérette. Les avis des uns et des autres ne sont donc pas unanimes. Mais, contrairement à « La maison de thé », on ne débusque ni symboles ni messages politiques ou pédagogiques.

LES HISTOIRES DE L’HISTOIRE

Les spectacles que nous avons vus, à ce jour, puisent leur inspiration dans l’Histoire. Leurs thèmes sont, à divers degrés, situés dans le passé (« La maison de thé », « Wang Chao Quin », les deux dernières « opérettes »…) Quand le quotidien est, ou a été, trop pesant, ou bien qu’il interdit que l’on pose directement les véritables problèmes, on a recours à l’Histoire. On lui emprunte une situation identique ou voisine de celle du présent pour la décrire ou la dénoncer. Peut- être qu’en Chine, au terme de dix ans de politique envahissant et le jour et la nuit, 24 heures sur 24, on a envie d’échapper au réalisme et de se réfugier dans l’Histoire. Sans doute est-ce à la fois un recours à l’Histoire pour évoquer une réalité présente et faire œuvre didactique (les minorités, par exemple, dans « Wang Chao Qui ») et, par ailleurs, un recours à l’Histoire comme refuge (les deux « opérettes »).

 

Chenchiang- Shanghai, dimanche 19 août 1979

COCON

On se lève à 7 heures ; en Chine plus qu’ailleurs encore, le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt… On s’ébranle à 8 heures, en direction de l’Institut de recherches sur le ver à soie. Celui-ci se trouve à quelques kilomètres de l’hôtel. La soie existe en Chine depuis 5000 ans. L’institut dépend directement de l’Académie de l’agriculture et des sciences agricoles. C’est l’unique institut national de ce type, mais il en existe également à l’échelon provincial. Les recherches effectuées sont relatives au mûrier, au ver à soie, à la soie et aux « races » (espèces) de ver à soie. L’institut conserve et étudie 400 variétés de mûrier ; elles différent en fonction du climat. Il travaille aussi pour prévenir les maladies des mûriers et pour leur amélioration. On recherche aussi comment nourrir le ver à soie pour augmenter la productivité. « Nous recherchons à faire une soie à haut rendement. Nous menons aussi un travail pour distinguer les qualités des cocons ». Il existe diverses couleurs de cocons, qui correspondent à une différence de pigmentation des vers à soie appartenant différentes espèces. Il existe donc diverses couleurs de soie naturelle : rose clair, rose passé, blanc, jaune citron (clair), jaune foncé, grège. Mais l’élevage du ver à soie est développé, surtout, pour la soie blanche. 1300 variétés (espèces ?) de vers à soie se nourrissent de mûrier, une de chêne, neuf de ricin. A titre expérimental, des vers à soie se nourrissent de feuilles de tussah (ver à soie tussah) et de fourrage artificiel.
D’abord, il y a un papillon qui pond des œufs dans une cave. Le ver à soie est élevé, ensuite, dans les « magnaneries ». Il appartient à différentes races (espèces) : chinoise, japonaise, européenne…
Une magnanerie compte trois personnes par salle, c’est la norme. De larges paniers ovales en vannerie sont disposés sur une dizaine de rangées de supports en bambou. Dans ces paniers, les vers à soie mangent les feuilles du mûrier. A partir de la cinquième mue, surtout en été, le ver à soie commence à confectionner son cocon. Chaque ver à soie fabrique un cocon. Mais, il arrive qu’un cocon émane de deux vers à soie : la soie ainsi produite recèle des fils plus gros; elle est très appréciée sur le marché international.
Dans la production, on a recours à des races (espèces) croisées, plus résistantes que les races (espèces) pures : éloge du métissage ?
Autrefois, la longueur du fil/cocon était de 300 mètres; aujourd’hui, elle peut atteindre 3000 mètres. Sacrée chrysalide ! Le scientifique chinois dit : « Le fil à soie du cocon devient de plus en plus long, à tel point qu’un jour il reliera nos deux pays par l’Amitié. Ce sont les Français qui, vers la fin du XIX° siècle, ont été les premiers à sélectionner des cocons. Nous nous réjouissons des succès du peuple français ». Ver à soie et langue de bois !
On crée des variétés de vers à soie qui s’adaptent à la chaleur (28°) aussi bien qu’à l’automne. On essaiera de les populariser à la campagne. Selon les variétés, on donne des feuilles de mûrier aux vers à soie plusieurs fois par jour. Pour 20 000 vers à soie, il faut 1600 kilos de feuilles de mûrier au cours de toute leur vie. Les Chinois aiment les chiffres, n’est-ce pas ? Antienne connue…
Salle de dévidage du cocon :
Avant de procéder au « dévidage », on enlève le « revêtement », l’habit qui enveloppe le cocon.
Dans une salle annexe, on fait bouillir le cocon vingt minutes, puis on le trempe dans l’eau froide pour le contracter. A la machine de dévidage, des « dévideuses » saisissent le fil du cocon en l’agitant dans l’eau à l’aide d’un pinceau puis, elles le fixent sur la machine : il faut mêler sept cocons pour fabriquer un fil et trois fils (enroulés sur trois bobines), donc vingt-et-un cocons pour obtenir un fil bon à tisser.
Bobinage ou filage (?) avec deux bobines (ou plus) pour tisser. Les gestes de la dévideuse font songer à certains de ceux que dessinent les mains dans l’opéra chinois : grâce et élégance !
Pour tisser une chemise, il faut 240 000 mètres de fil. Les Chinois adorent les chiffres….
A proximité de l’Institut, s’étendent des champs de mûriers.
En Chine, on mange le ver à soie. Les excréments sont utilisés pour la fabrication de médicaments et… d’oreillers. Rien ne se perd !
La production de la soie est, en ce pays, l’une des principales « activités subsidiaires » de l’agriculture. A l’exception de trois provinces, la sériciculture existe dans l’ensemble du pays.

LE FLEUVE BLEU

Un embarcadère sur une rive du Yang- Tsé- Kiang, le fleuve Bleu : trois ouvriers s’affairent, ils chargent des espèces de briques dans une petite embarcation. Deux les transportent à bord à l’aide d’une palanche, le troisième les range. Sans doute y passeront-ils une demie- journée; une machine accomplirait la tâche en quelques minutes. Mais qui ferait travailler ces trois jeunes ouvriers ? Un peu plus loin, d’autres hommes chargent du charbon à bord de « péniches », de grosses barges. Sur les eaux du fleuve, un remorqueur traîne un long train de bois de bambou.
Une île haute et ronde sur le boueux Yang -Tsé, de couleur marron, l’île de Ziao Chan, appelée aussi « Jade flottant », est très boisée. Un beau temple est en cours de restauration : sur les linteaux, on observe des peintures naïves polychromes. On se promène à pied… Un Chinois nous photographie !
Nous entrons dans une maison de thé : à l’étage inférieur, de nombreux consommateurs autochtones sont assis sur des chaises autour des tables. On retire tasses et eau chaude auprès d’un guichet… La vue sur le fleuve est grandiose. L’atmosphère est populaire et conviviale. On nous prie avec insistance de monter à l’étage supérieur. La salle est plus luxueuse, le mobilier plus beau, la terrasse, les tables et les chaises sont en céramique. Elle est réservée aux étrangers. Impossible de payer. On retourne à l’embarcadère.

Sur l’île, le guide a trouvé, gravé dans la pierre, un poème de Li Po, (Li Bo ou Li Bai, 701-762), illustre poète de la dynastie des Tang (618-907), évoquant l’ilot voisin de Zong Lio :

« Au pied de la falaise, je contemple l’ilot Zong Lio.
Il me semble qu’il est encastré dans le ciel bleu.
Où puis-je trouver un arc-en-ciel multicolore pour en faire un grand pont ?
Si une fée s’intéressait à moi, elle lèverait la main pour m’appeler ». 

Un autre poème du même auteur, « Pensées d’une nuit calme », qu’apprennent les enfants de Chine, est sans doute le plus connu de ses écrits :

« Le clair de lune éclaire devant mon lit,
Le doute, sur le sol, de la gelée ?
Levant la tête je contemple la lune brillante,
Courbant la tête je pense à mon pays natal.»

Au terme de cette excursion purement touristique et sans aucune implication politique, de retour à l’hôtel, en bus, le jeune guide s’excuse de ses fautes en Français ; il précise que à cause de la Bande des Quatre, il n’a pu parler Français pendant dix ans, ni exercer son métier d’interprète. Quoique l’on pense, il est émouvant.

CHAPEAU CONIQUE

Après déjeuner, à 14 heures, nous partons pour Shanghai par le train : Nankin (14h03) => Shanghai (19h10) : 305 kilomètres. Du train, on a le loisir d’admirer de beaux paysages de campagne. Tout est verdoyant. Les paysans sont, pour la plupart, coiffés d’un chapeau conique. On aperçoit certains d’entre eux, dont seule la tête, surmontée de cette coiffure, émerge d’un champ de coton.
A 19h20, nous arrivons à Shanghai. La gare grouille de monde. Le temps est lourd. L’hôtel Ching-Chiang est un immense building ; il accueille les étrangers.
 

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Avec les interprètes locales, nous entamons des discussions relatives au programme.

COMMERCE

Nous empruntons le bus N°26, en compagnie du chanteur Francis Lemarque (né en 1917), et trois autres membres du groupe pour gagner le Bund. Stupéfaction devant la prospérité apparente de la plus grande ville de Chine, une métropole de 11 millions d’habitants, une population essentiellement d’origine rurale. Les vitrines sont bien pourvues et largement éclairées: marchands de chaussures, de textiles et autres… Un vaste choix ! Nombre de magasins restent ouverts 24 heures sur 24. Ainsi les ouvriers astreints aux trois huit peuvent faire leurs emplettes à toute heure du jour ou de la nuit. A Shanghai, comme à Nankin, le jour de repos hebdomadaire varie en fonction des arrondissements. Ainsi y a-t-il toujours, ou presque, une partie de la population qui ne travaille pas et la ville y gagne un petit air de fête. Théâtres et cinémas affichent régulièrement « complet ».
Pour la première fois depuis notre arrivée en Chine, nous apercevons des gigantesques affiches publicitaires : elles illustrent les mérites de marques de chemises, de Sony ou de Mitsubishi… Il semble évident que se développe, dans ce pays, une offensive japonaise. D’ailleurs n’enseigne-t-on pas désormais le Japonais dans les écoles secondaires chinoises ? Le Japon, cet ancien ennemi, honni, du moins officiellement…
La Chine n’est guère ce pays monolithique que l’on décrit volontiers en occident: les variations d’une ville à l’autre sont manifestes. Elle n’est pas davantage cette fourmilière au travail que l’on imagine en France : le stress semble, ici, absent de même que l’énervement quotidien, si répandu dans nos métropoles occidentales. Les Chinois semblent vivre et travailler à un rythme plus naturel que le nôtre. Je n’ai pas encore vu l’un d’entre eux courir. Une certaine décontraction règne dans la vie quotidienne… Même ici, dans cette métropole d’allure occidentale, piquée de buildings…

BUND

Le bus qui nous conduit vers le Bund est bondé. Il faut changer : des passagers nous renseignent. A l’arrivée, nous hésitons sur la direction à prendre pour rejoindre le Bund. Serviable, un Chinois nous indique le chemin à suivre. Nous débouchons sur le Bund, à proximité de « Big Ben »! Probablement sur le territoire de l’ancienne concession britannique. Le Bund est une large et célèbre avenue de Shanghai, qui longe le fleuve Huangpu, un affluent du Yang -Tsé-Kiang, long de 97 kilomètres. Shanghai est la première ville où nous observons un embryon de vie nocturne, du moins jusqu’à minuit. Depuis peu, selon l’une d’entre nous, les jeunes amoureux de la ville ont pris l’habitude de se retrouver, le soir, à l’abri de la pénombre des arbres, sur le quai situé entre la chaussée de l’avenue et le fleuve. Il est 22 heures 30 et, il ne reste pas une place libre… Des centaines de jeunes couples tendrement enlacés sont penchés sur le parapet et contemplent le fleuve tout en s’embrassant à bouche que veux-tu. De l’autre côté des couples sont assis ou batifolent dans les fourrés. Que veulent ces deux adolescents qui me suivent ? Au centre, les promeneurs déambulent, bercés par la rumeur du fleuve que ponctuent les appels lancés par les sirènes des bateaux. L’air est frais; il règne une douce insouciance.

Depuis notre arrivée à la gare, comme à Nankin et Chenchiang, nous sommes sans cesse suivis par une escorte débonnaire de Chinois étonnés, qui nous dévisagent. Malgré son travestissement occidental, Shanghai conserve à cet égard un petit côté provincial.
Beaucoup de jeunes nous abordent en Anglais. Il en est de deux sortes : jeunes étudiants ou ouvriers, ils souhaitent parler avec des étrangers et ainsi pratiquer une autre langue, être accueillants ou recueillir des informations ou bien, petits marlous délurés qui jactent trois mots d’Anglais et dont je ne serai guère surpris qu’ils s’adonnent au troc ou à quelques petits trafics.
Au Magasin de l’Amitié, on déniche quelques horreurs assez chères…
Nous buvons un verre à l’hôtel de la Paix, bourré d’Américains. Un des barmen a appris le Français à l’école du 7 mai. A la carte, glaces, « Screwdriver », « Panda cocktail », et… « Peace cocktail » … La politique contamine même les cocktails !
Nous rentrons à l’hôtel en bus et… à pied. Il est tard (une heure); des Chinois jouent aux cartes, ainsi qu’à divers autres jeux, sur de petites tables basses, disposées à même le trottoir, à la lueur d’un réverbère. Le Chinois est joueur, n’est-ce pas ? C’est en tout cas le stéréotype.
Pour la première fois, j’ai aperçu une S.D.F.…
Tandis que nous marchons, un jeune descend de son vélo et nous aborde en Anglais. C’est un chauffeur de bus; il n’aime pas son métier, adore Beethoven et a appris l’Anglais en écoutant « La voix de l’Amérique »… A propos, quid des dissidents Chinois ?
L’hôtel haut de ses quatorze ou quinze étages est massif. La grille est fermée, il faut passer devant le jardin. Merde !
Je rencontre un jeune serveur francophone. En cachette !

DEMANDEZ LE PROGRAMME !

Drama (théâtre parlé), au programme :
1 aujourd’hui, 22, 25, 26 (7-15h) Théâtre Jiepang : (« Chuang Jianghu »),
2 aujourd’hui et => 31/8 (7-15h) Théâtre Zhang Jiang : (« Lei Xié Ying Huog »),
3 aujourd’hui et => 25/8 (7.15h) Club de l’Electricité : « Un homme qui a pu vaincre le Temple »,
Plus quatre ou cinq oeuvres de troupes de province, aujourd’hui et demain soir.

 

Shanghai, lundi 20 août 1979

Le matin, on prend connaissance des programmes des spectacles :

- Opéra de Pékin (c’est un style) de Shanghai :
1. 21.23.25, Théâtre Yunan, rue du Yunan,
2. Ce soir, Théâtre Yunan, « Yinze », un opéra comique,
3. Ce soir, Théâtre Zao Yang : «Yinghua ».

- Opéra de Shanghai (c’est un autre style) :
Aujourd’hui et => 31/8. (7-15h),
Théâtre Pu Tun, opéra traditionnel,
Théâtre Lao Dong.

- Suzhou : cabaret et opéra comique
Aujourd’hui et 31/8.2.00 p.m.
Théâtre Lao Dong, « Suzhou Liang Gong Chou »

- (Opéra ?) de Shanghai :
22.23.24.25.26.
Opéra comique : « San Yas Hu Xin Ting »,
Théâtre Yunan, rue du Yunan.

- Concert : orchestre de Shanghai, aujourd’hui, 7h15, Yin Yue de Shanghai, rue Yunan.

- Groupe d’acrobates et prestidigitateurs de Shanghai : Théâtre de Pékin

- Drama (théâtre parlé)
1. Aujourd’hui, 22.25.26 (7-15h),
Théâtre Jiepang :(« Chuang Jianghu »),
2. aujourd’hui et => 31/8 (7-15h),
Théâtre Zhang Jiang : « Lei Xie Ying Huog »,
3. aujourd’hui et => 25/8 (7-15h),
« Un homme qui a pu vaincre le Temple »,
Club de l’Electricité.
Plus quatre ou cinq oeuvres de troupes de province, aujourd’hui et demain soir.

JADIS ET NAGUERE

Nous visitons, ensuite, le TEMPLE DU BOUDDHA DE JADE, et nous promenons dans le parc de « la détente agréable ».
Au restaurant, nous dégustons seize petits pains fourrés à la viande et cuits à la vapeur, une spécialité locale.
L’APRES-MIDI, dans la vieille ville, nous marchons au fil d’un écheveau de venelles. Le linge sèche, étendu sur du bambou. Dans une rue, on remarque des affiches publicitaires Sony. Au programme des cinémas, trois films d’amour mexicains, un film roumain et un film de Charlie Chaplin.

MARIONNETTES

La compagnie de marionnettes de la ville s’appelle « Le Théâtre de marionnettes de Shanghai », dont le siège est le Théâtre Fon Lei : c’est, à Shanghai, le seul lieu où l’on représente des spectacles de marionnettes. Il sert aussi de cinéma. La compagnie compte 150 personnes, musiciens compris, dont la moitié de femmes, ainsi que 48 auteurs. Elle se divise en deux équipes : l’une joue à Shanghai, l’autre à la campagne, dans les écoles.
Elle comprend :
- quarante-trois musiciens pour l’orchestre, dont 5 chefs d’orchestre et compositeurs,
- dix-huit décorateurs,
- une vingtaine de personnes qui composent l’atelier de fabrication de marionnettes,
- vingt-et-une qui mènent des recherches relatives aux pièces pour marionnettes et aux effets de la représentation : metteurs en scène, chercheurs pour la fabrication des marionnettes et décorateurs pour leur décoration,
- le reste du personnel s’occupe de l’administration, s’affaire à la cuisine…
A deux reprises, la compagnie a recruté des apprentis, dix en 1966 et trente en 1973, parmi les élèves du secondaire qui apprécient les marionnettes, avant de les soumettre à un examen spécifique. Au terme d’un apprentissage de trois années, ils sont restés dans la compagnie. Les élèves sont choisis après la publication d’une affiche de recrutement. Ils doivent satisfaire à quatre conditions : santé, niveau culturel, bonne voix (pour le chant), taille. Ils sont originaires de la région urbaine de Shanghai (banlieue comprise). En 1973, les trente élèves ont été confiés à l’Institut du Théâtre de Shanghai, parce que la compagnie manquait de professeurs pour leur prodiguer un enseignement relatif au mime et à la connaissance de la musique.
1 – La marionnette est un cours spécial à l’institut de Théâtre de Shanghai ; la danse et le chant sont des cours auxiliaires.
2 – Il n’existe pas d’école spéciale de marionnette en Chine.
A l’Institut de Théâtre de Shanghai, ouvert aussi aux régisseurs et aux décorateurs, on s’initie particulièrement à l’art de l’opéra, et il existe un cours de marionnettes à l’intention de la compagnie. On ne recrute pas d’élèves, chaque année, pour intégrer ce cours, mais les élèves marionnettistes sont toujours destinés à la compagnie de Shanghai.
Les acrobates, eux, se forment avec les anciens.
Il existe des nuances entre les diverses compagnies implantées dans différentes régions. La Chine compte de nombreux dialectes et de plus, la marionnette est influencée par l’opéra local. Au Fujian, le théâtre de marionnettes ressemble à l’opéra du Fujian. Les marionnettes de Pékin et de Shanghai se ressemblent beaucoup. Les autres sont très locales. La tendance est à parler plutôt le pékinois que le dialecte local.
On distingue marionnettes classiques et marionnettes modernes. Les techniques utilisées sont les techniques traditionnelles chinoises. En fait, on use de trois techniques:
- Tige : la plus répandue en Chine, utilisée à Shanghai comme à Canton. Accompagné de musique, « Le voyage vers l’Ouest » ou « Le roi des singes contre la sorcière au squelette » recourent à la technique des marionnettes à tiges, complétée par des fils auxiliaires. Mais, il existe en Chine une autre technique : elle a recours à des baguettes ; c’est une technique différente de celle dite à tige.
- Gaine : essentiellement avec trois doigts => au Fujian uniquement,
- Fil : uniquement au Fujian également.
Au répertoire, est inscrite la pièce « La sorcière au squelette », extrait de l’illustre récit « Le voyage vers l’ouest » (dynastie des Tang, 618-907), la pièce se joue depuis environ trois ans. Celui qui tient le rôle de la sorcière ne joue que ce rôle-là ; et c’est la même chose pour tous les rôles principaux. En fait, un rôle requiert trois acteurs. D’après la nature de l’histoire, la qualité des manipulateurs, les réactions du public et les ventes de billets, on sait si la pièce est bonne et s’il importe de poursuivre les représentations. Celles-ci se déroulent dans un théâtre fort de 1000 places. Les manipulateurs de la compagnie sont de véritables comédiens. Mais, le manipulateur ne peut guère modifier son jeu en fonction des réactions du public pour répondre à celles-ci. A l’étranger, on dispose un praticable supplémentaire sur la scène. Ici, on joue en creux :

Sans titre23
Ainsi, le paravent est moins haut.

La musique traditionnelle accompagne ces spectacles. Les compositeurs composent la musique, sur les bases traditionnelles, en fonction, du contenu de la pièce. Tous les instruments sont chinois, sauf la contrebasse. Celle qui est utilisée est occidentale. A Shanghai, on a créé une contrebasse chinoise à partir du violon à deux cordes. Les principaux instruments de l’orchestre de vingt musiciens, qui interprète la musique traditionnelle chinoise, sont : violons (aiguë, medium, bas), pipa, flûte, hautbois, percussions… Le spectacle est chanté en direct.
Une équipe spécialisée s’occupe de la lumière. Parmi les codes utilisés, le drapeau noir symbolise le vent. Cinquante personnes, techniciens compris, sont nécessaires au déroulement d’une représentation, et vingt-huit lorsque la musique est enregistrée.
Les tournées de la compagnie à l’étranger sont décidées par une unité supérieure. Cela dépend du plan unifié de l’Etat. Il existe un répertoire moderne, et donc des auteurs qui imaginent ce répertoire : « La traversée du Yang -Tsé par l’A.P.L pour libérer Shanghai », par exemple, ou une pièce relative à la guerre contre les Japonais ou bien encore, à un match de ping-pong…
Pendant les vacances les enfants apprécient le théâtre de marionnettes, les adultes également. Au cours de la Grande Révolution Culturelle (elle se prolonge dix ans), les représentations sont rares, car la Bande des Quatre prône la suppression de ce genre de théâtre d’essence classique. On écrit alors seulement trois pièces, mais trois au lieu d’une seule comme le souhaitait les Quatre. De nombreux artistes d’élite n’ont pu ni répéter ni travailler. A cette époque, beaucoup de marionnettes ont été détruites dans tout le pays, dont 300 à Shanghai. Tandis que le théâtre d’ombres disparaissait, que les chansons anciennes étaient interdites, on ne disposait guère de pièces modèles de marionnettes : seul opéra de Pékin et ballets subsistaient.
Après la chute des Quatre, trois années ont suffi pour écrire six pièces :
-       Le coq chante dans la montagne,
-       Le canon fait du melon d’eau,
-       La perle luisante,
-       La sorcière au squelette, écrite à partir du récit « Le voyage vers l’ouest,
-       et, deux courtes pièces pour les enfants.
En un an, on a offert plus de 300 spectacles à l’intention des enfants dans les écoles et les jardins d’enfants.

REMARQUE

La Chine est le pays où les visages nous réapprennent à sourire.

CHOMAGE

Selon un dirigeant, Shanghai compte 400 000 chômeurs; la Chine 20 millions. Il n’existe pas d’allocation de l’Etat; l’aide provient de la famille. Il y a peu de places à l’Université. La Révolution Culturelle a envoyé beaucoup de jeunes à la campagne. Les chômeurs existaient déjà, mais on ne s’en rendait pas compte.
Promenade le long de Nankin road…

Le SOIR,

SPECTACLE des acrobates de Shanghaî:
1 – Présentation des artistes (drapeaux rouges et fleurs)
2 – jongleur avec des chapeaux (2 hommes -> géant)
3 – acrobates (balançoire -> 3 femmes plus deux hommes)
4 – jongleur au vase de porcelaine : deux tailles
5 – intermède
6 – acrobates : deux filles plus un « mort » (équilibre / trapèze)
7 – un couple équilibriste avec des bols
8 – intermède comique. (lampe; brouette)
9 – prestidigitateurs
10 – jongleur (bouteille; oeuf; verres…)
11 – Intermède comique (les oeufs)
12 – imitations d’oiseaux (deux hommes), avions; bombes; circulation; trains
13 – contorsionniste
14 – intermède comique (vélo et monocycle)
15 – prestidigitateur (transmission électrique ?)

WANG JEN-TCHONG

Aujourd’hui, sur le Bund, j’ai rencontré un jeune homme de 27 ans. Charpentier, il a appris le français en suivant les cours dispensés par la radio chinoise. Il gagne, me dit-il, 41 yuan par mois, habite chez ses parents, comme son frère, qui « attend du travail ». Il ne prononce pas le mot « chômage ». « Je hais la Bande des Quatre : elle a saboté ma jeunesse », dit- il. Tandis que nous parlons, j’aperçois quelques «loulous » qui déambulent…

REVUE DE PRESSE

En lisant les dépêches de Xinhua (Chine nouvelle), l’agence de presse officielle, fondée en 1931 :
Xinhua, bulletin d’information, le 16 août 1979
« Estampes de Nouvel an de Yangtiuqing de Tianjin, nées là au début du XVII° siècle. »

Littérature :
En Chine : publication de nouveaux romans -fleuve :
Xinhua, Beijing, 15 août :
« Grâce à l’écrasement des Quatre, plusieurs romans -fleuve ayant pour sujet la lutte et la guerre révolutionnaires ont été édités récemment. Leurs auteurs sont des écrivains vétérans.
« L’Ouest », en trois volumes (750 000 caractères), écrit par l’écrivain militaire Wei Wei est considéré comme l’une des meilleures œuvres littéraires apparues ces deux dernières années. Le roman retrace la vie militante en Corée des volontaires du peuple chinois, au début des années 50. Versé dans la narration, la description du paysage et l’expression du sentiment, Wei Wei campe bien des images héroïques de nos soldats, qui luttaient côte à côte avec le peuple coréen pour résister à l’agression américaine et défendre notre patrie. L’auteur a achevé le roman après plus d’une dizaine d’années d’effort.
Zhou Erfu connaît bien la vie urbaine et l’histoire de la classe bourgeoise chinoise. Le troisième volume de son célèbre roman-fleuve « Le matin de Shanghai » a déjà été publié. Le livre décrit la transformation socialiste de l’industrie et du commerce capitalistes et raconte comment la classe ouvrière a grandi au cours de cette lutte. Le roman dénonce la nature de la bourgeoisie, qui ne songe qu’à ses intérêts et montre que la bourgeoisie nationale, opprimée par l’impérialisme et le capitalisme bureaucratique, était capable d’accepter la transformation socialiste.
Le célèbre écrivain Liang Bin est en train de retoucher le troisième volume de son roman-fleuve « La lignée du drapeau rouge », qui sera mis sous presse l’année prochaine.
« La lignée du drapeau rouge » était un des dix meilleurs romans choisis au cours de la première décennie qui a suivi la fondation de la Chine nouvelle. Le roman a pour sujet le mouvement révolutionnaire paysan de la Chine du nord, sous la direction du Parti communiste chinois. Le deuxième volume a pour toile de fond la rébellion paysanne de 1932, au centre de la province du Hebei et le troisième volume, le mouvement du salut national des paysans au cours de la guerre de résistance contre l’agression japonaise.
Yang Mo, 65 ans, est très connu pour son roman « Le chant de la jeunesse », qui dépeint des intellectuels des années 30 et 40. En dépit de la menace des Quatre, elle a écrit en quatre ans (72-76) un nouveau roman-fleuve, « Le jour va poindre à l’orient » (un million de caractères), reflétant la transformation et les progrès des intellectuels pendant la guerre contre l’agression japonaise. Retouchée par l’auteur, l’œuvre a été publiée partiellement dans la revue « Les moissons ».
« Une première chaleur dans les escarpements » est une œuvre due à Gao Yin, qui a vécu pendant des années parmi la population Yi dans la province du Sichuan. Le livre décrit comment la population Yi, influencée et éduquée par l’Armée rouge pendant la longue marche, s’est affranchie du joug et s’est dressée contre les réactionnaires du Kuomintang, les despotes locaux et les propriétaires d’esclaves.
« L’ingénieur en chef et sa fille », écrit par Jiao Zuyao montre la vie et le travail de travailleurs scientifiques dans les années 50. »

Médecine :
Xinhua, Xining, le 15 août
« La médecine et la pharmacologie du Tibet, uniques en leur genre, constituent une branche importante de la médecine traditionnelle chinoise, une médecine enrichie au fil des siècles par les travailleurs tibétains dans leur lutte contre les maladies. Une dizaine de livres en la matière dont « Le précis de théorie de médecine tibétaine » et « Compendium de médecine tibétaine » ont vu le jour après la Libération ».
(A l’occasion de la publication récente de « Standards pour les médicaments tibétains »).
Lin Piao et la Bande des Quatre ont considéré l’industrie des parfums comme un secteur « au service de la bourgeoisie ». Celle-ci connaît aujourd’hui un nouveau développement : une « Exposition nationale des épices, essences et fragrances synthétiques » a été organisée à Pékin.
La production de parfums a augmenté de 16% en 1978 par rapport à 1977.
La Chine compte 32 parfumeries dans 13 provinces, municipalités et régions autonomes avec 6213 employés.
Les produits sont utilisés pour la fabrication de denrées, cigarettes, savon, détergents, dentifrices, médicaments, plastiques, peintures, articles hygiéniques…
Il existe en Chine 349 espèces de 63 familles de plantes à parfum, ce qui facilite le développement de cette industrie. Les plantes à parfum poussent sur 4300 hectares.
La cassie, l’anis étoilé, les graines de fenouil et le jasmin, produits traditionnels de Chine sont exportés maintenant vers 102 pays et territoires. »
On le sait, les Chinois aiment les chiffres !

Religion :
Xinhua, Beijing, le 15 août
« …400 catholiques chinois et étrangers ont assisté à la messe en la cathédrale de Nantang à Pékin. La messe était présidée par monseigneur (sic) Michael Fu Tieshan, nouvel évêque de Pékin. On dénombrait trente catholiques étrangers (sur 400). »

Enseignement :
Xinhua, Beijing, le 17 août
« A cause de la Bande des Quatre, dans certaines régions, le taux de scolarisation des enfants d’âge scolaire s’est abaissé ces dernières années, et même l’analphabétisme a surgi de nouveau chez une partie des jeunes. Actuellement 6% des enfants d’âge scolaire restent en dehors des écoles, a relevé récemment le vice-premier ministre du Conseil d’Etat, madame Chen Muhua, dans son article publié dans le Renmin Ribao (« Le Quotidien du Peuple »). Des lacunes sont patentes dans les régions montagneuses et pastorales ».

Cinéma :
Xinhua, Beijing, le 17 août
« Le dernier numéro de la revue mensuelle « Le cinéma populaire » à grand tirage donne un bref aperçu des nouveaux films de fiction en tournage.
Le studio Omei du Sichuan est en train de tourner le film « Papillon de couleur jade ». Celui-ci illustre par l’amour entre deux amis chinois et japonais, l’amitié profonde des deux peuples. Le scénariste Zhao Danian a bénéficié d’une aide chaleureuse du professeur japonais Eiko Kubota. Ce dernier lui a présenté les mœurs et coutumes du peuple japonais. Le principal rôle du film est joué par Wang Danfeng (1924), célèbre actrice du studio cinématographique de Shanghai.
« La raie de mort sur l’île de corail », adapté du roman de science-fiction éponyme, sera bientôt porté à l’écran. Ce sera le premier de ce genre en Chine. Ce film évoque les mésaventures des scientifiques d’origine chinoise durant leur voyage d’étude sur l’île de corail et dénonce les crimes commis par les hégémonistes. Il montre notamment l’affection de ces hommes de science envers la Chine socialiste.
En ce qui concerne le studio Rivière des perles du studio de Guangzhou (Canton), il tourne le film « La tourmente dans une région montagneuse », qui relate les mérites d’une femme communiste pendant la guerre civile révolutionnaire, dans une région de la Chine méridionale.
De plus, le film-opéra de Beijing (opéra de Pékin), « L’arc de fer et le mariage », a été réalisé par le studio de Beijing. Guan Sushuang (1929), célèbre artiste d’opéra de Beijing de la province de Yunnan, y joue un rôle important. Ce film retrace un récit classique d’amour, aussi humoristique qu’émouvant.
« Rire », réalisé par le Studio central d’actualités et de films documentaires, est un recueil de dialogues comiques d’acteurs célèbres. Le dialogue comique est populaire dans la région du nord de la Chine. Certains numéros critiquant la Bande des Quatre ont été chaleureusement applaudis par le public. »
Si l’on en juge par ces dépêches de l’agence de Presse officielle Xinhua, idéologie et propagande irriguent, entre autres, livres et films ; voilà qui brosse un panorama de la vie culturelle en Chine, sous l’égide du Parti, après la chute de la Bande des Quatre…

 

Shanghai, mardi 21 août 1979

Taxi pour Le Grand Monde :
Cette institution, fondée en 1917, jadis dédiée au plaisir, connut son apogée au cours des années trente. Elle a complètement changé de vocation : on y dispense même de cours de maths ! Aujourd’hui, on y visite une exposition de boîtes d’allumettes.
Direction Nankin Road, où s’élève sur plusieurs étages le Magasin n°1 ; il recèle… 36 000 articles !
On déjeune à l’hôtel, et l’après-midi, on visite la manufacture d’instruments de la ville.

MANUFACTURE D’INSTRUMENTS

Voici quelques mois, nous dit-on, une exposition d’instruments français s’est tenue à Shanghai.
La manufacture d’instruments fabrique des instruments de musique chinoise. Mais la Chine est un pays multinational : il existe 500 variétés d’instruments, dont 100 principales, qui forment quatre catégories : cordes, vents, claviers et percussions.
Fondée en 1958, l’usine compte aujourd’hui 500 ouvriers et employés.
Avant cette date, la fabrication s’exécutait à la maison, au sein de coopératives. Après la fusion de ces coopératives, nous avons fabriqué nous-même les petites machines nécessaires à la confection des instruments. Ce sont donc des machines issues du travail local.
Avant le Libération, la fabrication d’instruments chinois occupait une faible place. Ensuite, elle a progressé. Pendant la Révolution Culturelle, la Bande des Quatre, nous affirme-t-on, a saboté les programmes traditionnels chinois et donc la fabrication des instruments. Depuis celle-ci a de nouveau progressé. Chaque année, 900 000 instruments sont fabriqués. Au mur, des « tableaux d’honneur » calligraphiés : ils encouragent ouvriers et employés.
La création d’une école professionnelle a permis d’élever la qualité de la production. Chaque ouvrier sait jouer d’un instrument. Certains joueront pour nous à l’issue de la visite. La pratique de l’instrument que l’on fabrique, voilà qui change la perspective du travail. « Nous sommes à un niveau amateur », nous précise-t-on. Modeste toujours ! Pourtant, si l’on en croit les stéréotypes, le Chinois est orgueilleux…
Visitons et observons :
Un pipa tout d’abord, un « vieil instrument à 12 cordes » (ou 18 ou 21) zheng, ensuite, dont la caisse est en bois de palissandre et de platane, puis, l’ « instrument à 7 cordes », qin.
- Restauration : vernis, laques, teintures :
pipa, la caisse de ce luth est en palissandre, un bois dur qui doit sécher six mois au minimum. La table (le devant de l’instrument) est en bois de platane, le chevalet en ivoire ou en corne de buffle (la partie noire)…
- Atelier de sculptures :
Manche du violon : la tête de dragon, une bille dans la gueule, est en palissandre et buis. Le manche est orné d’une incrustation de sculpture en os de buffle ou en ivoire. La caisse est faîte de yetze (du sud de la Chine), un genre de noix de coco, pour les instruments du nord de la Chine. Cet instrument à deux cordes accompagne les soli de voix féminine. Le son est celui d’un violon occidental. Autrefois, le manche du violon traditionnel était en ivoire ; il est aujourd’hui en un matériau fruit de la chimie. La première étape de la fabrication est un dessin au crayon.
On remarque que les panières en vannerie et les divers objets utilitaires de l’usine sont beaux.
- Fabrication de flûtes en bambou :
Ce sont des flûtes droites de toutes dimensions et en grand nombre. Une femme travaille devant une machine dont une mèche perce l’embouchure de la flûte. Une autre femme brûle l’intérieur des flûtes avec un fer rouge pour supprimer résidus et aspérités. Les flûtes courtes et de petite circonférence produisent un ton haut, les longues de plus large circonférence, un ton bas. On fabrique, par ailleurs, une flûte en une ou deux parties, réunies par une bague qui permet aussi de modifier le ton.
- Atelier de vernissage et décoration des flûtes : pour éviter la dilatation du bambou et le décorer, on enroule un fil puis, on peint des caractères chinois de couleur sur les flûtes.
- Mise en place des lamelles de l’orgue à bouche; on l’essaye aussitôt.
Deux facteurs ennoblissent le travail : l’ouvrier fabrique seul la flûte dans sa totalité et, il sait en jouer. En fonction de la grosseur du bambou, il calcule la distance entre les trous pour chaque flûte. Vieux de cinq ou six ans, ce bois doit ensuite sécher pendant un an. Un ouvrier fabrique des flûtes pour les professeurs. Les troupes professionnelles commandent directement leurs flûtes à l’usine. Ainsi, le travail manuel se perpétue au sein de l’industrie.
En déambulant dans l’usine, on sent des odeurs de vernis…
- Instruments laqués : normalisée, la projection de la laque est effectuée sur la caisse en train de tourner (caisse de violon) ou bien à la main.
- Pour l’assemblage, on recourt à la colle ou à des chevilles.
- Les archets sont fabriqués en une variété de bambou ; les clés du violon, en corne de buffle, ivoire et buis.
- Atelier de castagnettes : pour l’opéra de Pékin, elles sont faîtes de buis ou de palissandre.
L’usine ne fabrique pas de « hautbois chinois ».
On prend connaissance du tableau d’honneur de l’atelier et des normes et rendement en vigueur affichées sur le mur. Les ouvriers travaillent huit heures par jour, et le midi, déjeunent à l’usine. Celle-ci dispose d’un dortoir où se reposent les employés qui habitent loin.

CONCERT DE L’ENSEMBLE INSTRUMENTAL

L’ensemble se compose de quatre hommes et deux femmes, ouvriers de l’usine. Tous sont de jeunes musiciens, formés par les professeurs du Conservatoire de Shanghai.
1. « La joie », musique populaire des Han (206 avant notre ère-220 de notre ère) :
“vieil instrument à 12 cordes”, zheng, flûte traversière à bague, tympanon -cithare yangqin , violon à deux cordes (solo), pipa et luth « en forme de lune », yueqin.
2. « Bambou violet », thème populaire de la région de Shanghai.
3. « un air américain ».
4. solo de tympanon -cithare yangqin, musique du film « L’étoile rouge ».
5. « Le cheval au trot » (Mongolie), tympanon -cithare yangqin, violon chinois.
L’archet du violon est situé en bas du manche et coincé entre les deux cordes.
Usage fréquent du vibrato. Staccato. Le musicien joue alternativement sur l’une et l’autre corde.
6. « Sérénade », musique italienne; violon et tympanon –cithare yangqin.
On apprécie la concentration et la sensibilité des musiciens dont le jeu est tout en nuances.
7. Solo “vieil instrument” :
- « La rivière Liu Yan » (Hunan) : solo de cithare guzheng (21 cordes): le musicien joue des deux mains. L’une pince ou pèse sur les cordes, l’autre attaque les cordes avec trois onglets (main droite).
- « Le gong et le tambour des moissons abondantes » (sud du Yang -Tsé) => solo guzheng. Célébration de la moisson.
8. « La fleur de lotus dans le fleuve du printemps » (classique ancien). Duo de pipa (4 cordes) => cinq onglets à la main droite, qui joue en bas de la caisse, et flûte droite très longue en deux parties liées par une bague.
9. « La livraison du grain au marché de la ville »… (Nord-ouest de la Chine), récent et fort connu. Gai et sautillant. Tympanon –cithare yangqin, violon et flûte traversière.
10. « Le matin dans la forêt » (minorité Miao). Tympanon –cithare yangqin, violon et minuscule flûte, qui évoque le chant de l’oiseau.
Ainsi s’achève cette visite fort instructive.

Le SOIR, OPERA DE PEKIN DE SHANGHAI

Au programme, « Le village de Mouké Tsaï » (traditionnel). L’œuvre se déroule sous la dynastie des Song (X°- XIII° siècles) : l’intrigue oppose les Song et les Yiao, l’une des minorités de l’empire. Une fois encore, on retrouve ce thème des relations avec les minorités…
A l’hôtel qui nous héberge à Shanghai, nous rencontrons un garçon de 19 ans : il parle un beau français, élégant et musical. Il se nomme He Tchong-Yi, et nous sert à table le midi. Je le retrouve, le soir, au 11ème étage de l’hôtel…

 

Shanghai, mercredi 22 août 1979

WUSHU

On commence à pratiquer cet art martial à partir de sept ans. Ici, le plus jeune a huit ans. L’entraînement se poursuit à raison de six heures par semaine, soit une heure- trente, quatre fois par semaine. Les enfants choisissent une arme. La « boxe des singes » convient à l’amateur. Les élèves portent un maillot de couleur – la couleur varie selon le programme choisi- une ceinture noire et un pantalon de soie blanche, retenu aux chevilles par un élastique. L’école professionnelle succède à un établissement secondaire, quatre ans de formation sont requis.
L’apprenti comédien de l’opéra de Pékin pratique le wushu puis, développe les figures du théâtre.
On satisfait, ensuite, au rituel des courses dans un grand magasin.
Déjeuner.

L’APRES-MIDI, extraits d’un spectacle de marionnettes.

Le SOIR, à 19 heures 19, le train pour HANGZHOU, capitale de la province du Zhejiang (189 kilomètres) s’ébranle; arrivée à 22 heures 28.

« Académie de médecine traditionnelle » (sans commentaire).

 

Hangzhou, jeudi 23 août 1979

SOIE

Le MATIN, on visite une usine de tissage de la soie. C’est une fabrique d’articles artisanaux, tissés à la machine, fondée en 1922. Elle confectionne des coussins, des nappes et des couvre-lits. Les motifs sont des dessins de paysages et des portraits de dirigeants. Elle produit également des coupons de tissu de soie.
Avant la Libération, c’était une petite manufacture équipée de métiers manuels : elle comptait dix-sept métiers à tisser et quarante ouvrières, et sa production se limitait à deux couleurs, noir et blanc. Aujourd’hui, les effectifs s’élèvent à 1800 personnes, dont 55% de femmes, qui oeuvrent sur 340 métiers électriques. Sur ces machines, grâce à l’innovation technologique des ouvriers, on peut tisser quinze couleurs simultanément. Et on dispose, désormais, de plus de mille motifs. Les dessins émanent de l’Etat ou sont créés à l’usine, et destinés à la consommation intérieure. Les dessins étrangers (foire de Canton), à l’étranger. La plupart des dessins sont réalisés par les dessinateurs chinois.
La matière première est de la soie naturelle mélangée à la soie artificielle. La soie naturelle paraît plus fine, plus souple, plus solide tandis que la soie artificielle est plus brillante, faîte de fibres végétales de chanvre, de bambou et d’arbres.
Au sein de l’usine, on distingue quatre ateliers principaux : dessin, préparation de la matière première, tissage et contrôle. Le rendement global annuel est de deux millions de mètres. Nos produits sont destinés à la consommation chinoise et à l’exportation. La production est livrée à la municipalité et c’est la compagnie des industries légères qui décide de la part réservée à l’exportation. « Il nous reste beaucoup à faire »… Pour augmenter la production, il faut encourager l’innovation technique des ouvriers, en fonction des conditions locales.
L’usine dispose d’un dortoir – réservé aux ouvriers qui font équipe de nuit dans les deux premiers ateliers (3×8) et qui demeurent loin de la fabrique- d’une cantine, d’un dispensaire, d’une crèche, d’un jardin d’enfants…
En ce qui nous concerne nous sommes reçus par une « secrétaire ».

Mise en carte :
Préparation de la matière première : bobinage.
Chaîne : horizontale.
Trame : verticale.
x sur le papier = croisement de film.
Cartons programmés => perforation par une machine pour suivre le dessin.
L’une des ouvrières aime peindre pour son plaisir.

Atelier de tissage :
L’atelier des métiers à tisser est coiffé d’une charpente et d’un toit en bois. Il y fait sombre. Il abrite d’énormes métiers à tisser électriques. En Chine, on utilise le métier à air comprimé ; il existe par ailleurs un métier à jet d’eau. Les machines sont belles, constituées de pièces en vieux bois patiné. Les cartes perforées filent dans la machine, qui tisse avec l’assistance d’un ouvrier. Le bruit est infernal, inconvénient commun à toute l’industrie textile dans le monde. Les fils défilent dans les métiers qui les dévorent : jaune, blanc, rouge, vert, bleu, noir, or… Ici, le climat est humide : les bobines de fils de soie sont protégées de l’humidité dans des grandes jarres en terre cuite fort belles.

Atelier pour préparer la navette destinée au métier à tisser :
Les navettes sont en plastique.
A nos yeux occidentaux, la production est un peu « clinquante ».

Salaires :
35 salaires d’apprentis
56 salaires moyens
130 hauts salaires.

Calicots rouges à l’entrée de l’usine :
-« La tâche générale de cette nouvelle période est la dictature du prolétariat plus les quatre modernisations ».
-« Faisons des économies ».
 

L’APRES-MIDI, LING YING (refuge des esprits)
JARDIN BOTANIQUE

BANZAÏ, « tout ce qui est planté dans un vase ». C’est un « poème silencieux ».
On obtient le banzaï en supprimant la racine principale pour conserver seulement les racines secondaires. C’est une opération qu’il faut renouveler tous les six mois. Il faut dépoter…

Dîner à l’hôtel.

Le SOIR, OPERA DE YUE : « Le mariage forcé par le tigre Wang ». Tous les rôles sont tenus par des femmes : voir notes du 18 août.

Pot sur une terrasse…

 

Hangzhou, vendredi 24 août 1979

PLANTATION DE THÉ

C’est une plantation de thé LONJING (thé du puits du dragon). Avant la Libération, c’était un pauvre village de montagne… Après la Libération, une équipe d’entre-aide s’est mise au travail, puis une coopérative s’est créée, avant que naisse une Commune populaire (C.P.), en 1958. La C.P. du lac de l’Ouest s’étend sur 40km² et comptent 10 000 habitants. C’est un échelon supérieur à la brigade. La C.P. s’occupe des industries, des magasins… Elle dispose d’un magasin de céréales (le kilo de thé y coûte de 4 à 50 yuan) et, entre autres, de deux écoles secondaires, mais elles ne sont pas gratuites : elles coûtent 5 yuan/semestre/enfant. Les fournitures scolaires sont à la charge des parents… C’est l’Etat qui se charge de l’entretien des routes.
La plantation de thé prospère sur le territoire de cette Commune populaire du Lac de l’Ouest. Elle est cultivée par la brigade de production de thé San Fong (double sommet), qui compte 204 foyers, regroupant 829 personnes. Elle comprend 300 hectares cultivables : 100 pour la riziculture, 40 pour la culture du thé et le reste dédié à la sylviculture. Elevage et petite industrie sont également gérés par la brigade. Quatre collines sont cultivées en s’inspirant de l’esprit de Yukong (« comment Yukong déplaça les montagnes » est une légende, reprise par Mao, qui prétend que l’impossible est possible) => plantations de thé et culture en terrasse. Plus le thé est frais, meilleur il est.
« Le thé du puits du dragon » est cultivé depuis 2000 ans. La cueillette se prolonge de fin avril à fin octobre. Le thé est toujours cueilli à la main, c’est le traitement qui est mécanisé. En1965, on a eu recours à une équipe de production supplémentaire, mais c’est exceptionnel. Seul le « thé du puits du dragon » pousse ici. En avril, il est deux jours où l’on dispose du meilleur thé, un thé de qualité supérieure : les feuilles sont très tendres et transparentes.
Ici, la terre, offre deux récoltes par an. C’est grâce aux conditions climatiques (d’abondantes précipitations) que le thé pousse ici. Les qualités que l’on prête à ce thé, de couleur verte, sont un goût suave, un arôme intense et une belle forme. D’après les analyses, le thé vert recèle 2000 éléments nutritifs, parmi lesquels la vitamine c, la caféine, la chlorophylle et la théine. Il est bon pour la vue et la digestion. Mao en buvait-il ?
Le thé vert et le thé noir sont préparés à partir des fruits du même arbuste, mais avec des méthodes différentes. Le thé noir est issu d’une faible fermentation, le thé vert est seulement séché.
A la Libération, l’exploitation produisait 280 kg/hectare/an, en 1978, 2265kg/hectare/an.
Les foyers pour traiter le thé sont électriques et le travail a été mécanisé, mais pour le thé de qualité supérieur, on travaille encore à la main. En cas de sécheresse, et il est arrivé que la sécheresse sévisse, pour arroser, on portait l’eau avec une palanche, munie de ses deux seaux. Aujourd’hui, 80% des terres sont irrigués par tourniquet. Comme moyen de transport, on utilise quatre camions.
Le revenu des paysans a augmenté au fur et à mesure du développement de la production : à la Libération, 120 yuan/an/foyer, en 1978, 968 yuan/an/foyer.
La réserve pour investissement s’élève à 640 000 yuan, accumulés depuis la Libération.
Les revenus sont ainsi répartis :
- réserve collective : chaque année, on prélève 14%, destinés au fonds d’accumulation publique, (Banque de la Commune populaire => intérêts 3.6%),
- 65% sont attribués aux paysans,
- 4% sont prélevés pour les impôts agricoles
- 10% abondent la capitalisation pour la reproduction (semences, engrais).
- de 3 à 5% alimentent le fonds d’accumulation de bien être (crèche, école…)
La brigade de production est dotée d’un jardin d’enfants, d’une école, d’un atelier de traitement du thé ; par ailleurs, de nouvelles maisons ont été construites « par notre propre force ». Crèche, jardin d’enfants, coiffeur, cinéma et frais médicaux sont gratuits ainsi que l’école primaire. La santé publique et l’éducation des paysans s’améliorent avec la production. La brigade dispose de trois « médecins aux pieds –nus », des paysans ayant suivi un stage et détachés de la production au dispensaire. Ils sont apparus en 1958. Ils sont élus par les paysans et choisis selon des critères culturels. Maladies graves et accouchements relèvent de l’hôpital de la ville. Du fait de la campagne en faveur de la limitation des naissances, la plupart des jeunes couples n’ont qu’un enfant. Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de cas de troisième enfant. Si un troisième enfant se présente, on conseille à la femme de se faire avorter. Les femmes prennent surtout la pilule. La brigade compte 200 enfants de moins de 17 ans.
L’âge de la retraite est fixé à 60 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes. Orphelins et veuves sont à la charge de la collectivité : nourriture, logement, frais médicaux, vêtements et sépulture (incinération). Lorsque quelqu’un meurt, on lui enlève un lopin de terre et quand un enfant naît, on lui en attribue un.
Les paysans ont le droit de vendre leurs propres produits et, ils fixent eux-mêmes leurs prix. Le lopin privé a une surface de 40m² par personne. Les paysans sont propriétaires de leur maison, dont les enfants peuvent hériter. Ils travaillent huit heures par jour, mais parfois dix ou plus si nécessaire. En revanche, de quatre à cinq heures par jour pendant la morte saison. Les personnes âgées restent à la maison.
Pour rentrer à l’usine, il faut passer un examen. Depuis la Libération, dix-huit jeunes issus de la brigade de production sont entrés à l’université.

Atelier de séchage :
Il est nanti d’une magnifique charpente de bois.
1- Séchage manuel : 130 cuves métalliques chauffées à trois températures : une femme roule une toute petite quantité de thé, trois ou quatre onces, pour la faire sécher pendant quarante-cinq minutes.
2- Séchage mécanisé :sept machines roulent les feuilles de thé pendant vingt minutes, puis le thé est déshydraté dans un four. Il est ensuite séché dans une douzaine de cuves électrifiées (à température) munies de pales qui brassent une grande quantité de feuilles pendant quarante minutes.

Jardin d’enfants
Nous sommes accueillis par une demi-douzaine d’enfants, fort jeunes. La bienvenue est souhaitée par un petit garçon très sérieux, doté d’une voix puissante. Il a l’air naturel, sinon spontané. Il chante seul, puis danse avec une petite fille. Avec elle, il interprète ensuite une saynète : « Laissez la place » (dans le bus). Les enfants viennent nous serrer la main en scandant des paroles d’amitié et nous raccompagnent ainsi sur le perron, un peu absents. Ils sont bien dressés, des singes savants. On remarque un portique en bambou : il fait office d’écran de cinéma.
On admire ces paysages de montagnes tapissées d’arbres et de rizières vertes, striées de rigoles où coule l’eau pour l’irrigation. Des nuages encombrent le ciel et l’endeuillent…

SOIRÉE au théâtre, à Hangzhou : « Les 72 locataires » (voir plus loin le commentaire).

 

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