Berlin 1989

Tract de la chaîne de restauration rapide MacDonalds, distribué à Checkpoint Charlie
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Traduction.
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Du 7 au 10 novembre 1989, une réunion professionnelle, à laquelle j’assiste, Looking East, se tient à Berlin-Est. Les participants étrangers venant de l’Ouest atterrissent à Berlin-Ouest, où une délégation venue de l’Est est censée les attendre et les accueillir. Mais, de délégation point ! Ressortissants de diverses nationalités, nous voilà fort embarrassés ! Le temps passe… Palabres et conciliabules conduisent à décider d’investir quelques … dizaines de taxis, filer vers le mythique Checkpoint Charlie, franchir le mur à ce contrôle et, ainsi, passer à l’Est. En ce mois de novembre, à cette heure-là, il fait déjà nuit et il pleut : c’est le climat et le décor naturels d’un roman policier !

Le jeune vopo (abréviation de volkspolizei, police du peuple) de service nous voit venir, dans tous les sens du terme ! A la vue de ce long cortège de taxis, qui vomissent une pléthore de citoyens étrangers, il panique. Le téléphone est secourable, et pour affronter ce déferlement inattendu  il requiert des instructions de sa hiérarchie: nous paierons donc une nouvelle fois notre visa en deutsche mark sonnants et trébuchants. Pas folle la guêpe communiste ! Réaliste et efficace… Les formalités se prolongent un certain temps. Ensuite, sous la pluie, à pied et valise à la main, nous franchissons le mur ! A l’Est, on nous attend et l’on nous informe : la RDA (République Démocratique Allemande) n’a plus de gouvernement ; donc, le dîner avec le ministre de la culture se déroulera, mais… sans le ministre !

Embrumés et pluvieux, Les jours qui suivent baignent dans la grisaille de ce Berlin–Est découvert en février 1978, en compagnie de l’ensemble chilien Quilapayun. Chaque fin d’après-midi, les Allemands de l’Est manifestent, après le travail et en ordre : une pratique surréaliste pour un citoyen français !

Le soir du 9 novembre, à l’issue d’un concert, qui ne m’a guère laissé un souvenir impérissable, nous, l’éditeur de musique Jean Davoust et moi, visitons quelques monuments, escortés d’un hiérarque du régime. Puis, nous allons souper tous deux au restaurant, juché au dernier étage de ce palace qui nous héberge. Le jeune-homme qui assure le service semble nerveux. Je le taquine et lui dis : «  on vous dirait pressé de rejoindre votre amie à l’Ouest. » Il opine ; nous terminons notre repas. Il est plus de minuit lorsque nous descendons dans le hall de l’hôtel. Là, le jeune chanteur est- berlinois Jay, accompagné de son agent britannique, nous apostrophe en anglais. Nous ne comprenons pas un traître mot de ses propos précipités. Enfin, tous deux réalisent que nous ignorons tout de l’information historique de la soirée : « le mur est tombé ! » hurlent-ils.

Un regard jeté dans la rue confirme le propos. D’ordinaire, en cette saison, dès la fin de l’après-midi, les rues de Berlin-Est se dépeuplent ; le soir, elles sont désertes : pas même un mendiant, pas un ivrogne, pas un gueux… Et voilà que ce soir, la foule envahit la rue ! L’hôtel est situé à proximité du mur ; le mur, la direction qui emporte cette foule. Les vopos, il y a quelques heures à peine, encore si cruels et meurtriers, rêve ou réalité, ouvrent le passage à l’Ouest aux citoyens de Berlin-Est ! La ville est en liesse ! Et sans doute, le pays tout entier…

Le coucher est tardif, la nuit courte ! Qu’importe, c’est la forge de l’Histoire : l’Histoire est en train de se faire, et nous en sommes les témoins ! Le lendemain matin, un minibus nous conduit à l’Ouest où nous prendrons l’avion. A Checkpoint Charlie, un marine, un grand noir américain, tend au chauffeur un paquet de tracts à notre intention : stupeur ! C’est un tract de MacDonalds, reproduit et traduit, ci-dessus, par mon ami germaniste Brice Böhmer. Une seule alternative : soit le Kremlin a cafté, c’est peu probable, soit la réactivité de l’entreprise capitaliste est prodigieuse, c’est plausible.

A l’Ouest, des dizaines et des dizaines de véhicules, frappés d’une immatriculation diplomatique, encombrent la chaussée et chorégraphient un véritable ballet !

Près de Checkpoint Charlie, un vieux Berlinois pleure, le quotidien Berliner Zeitung sous les yeux, barré sur toute la largeur de sa « une » de ce titre : « Berlin ist wieder Berlin ». Oui, Berlin est de nouveau Berlin ! Image inoubliable !

D’ores et déjà, Berlinois de l’Est et de l’Ouest attaquent ce mur, symbole honni, le détruisent et s’emparent, souvenir ou pièce à conviction, de morceaux de béton. Pour ma part, je n’ai pas le cœur à voler un emblème de cette prison…

Notre véhicule longe le mur qui s’effrite sous les coups des citoyens. Soudain, nous apercevons Jay, le jeune chanteur, et son manager britannique : ils vont d’Est en Ouest, comme pour recoudre les pièces de ce puzzle. Nous les invitons à monter à bord de notre minibus et j’interroge Jay au sujet de ces curieuses déambulations. Il me secoue doucement par les revers de ma veste, me regarde droit dans les yeux et avec l’autorité de ses vingt ans, répond : « Je passe d’un côté à l’autre pour me convaincre que je ne rêve pas. » Larmes !

Adieu Berlin !

Berlin outragé, Berlin brisé, Berlin martyrisé, mais Berlin libéré !

 

Visa

Visa

Looking East (1)

Looking East (1)

Looking East (2-3)

Looking East (2-3)

Looking East (4)

Looking East (4)

Invitation (recto)

Invitation (recto)

Invitation (verso)

Invitation (verso)

Enveloppe Grand Hôtel

Enveloppe Grand Hôtel

Dépliant Looking East (1)

Dépliant Looking East (1)

Dépliant Looking East (2)

Dépliant Looking East (2)

Dépliant Looking East (3)

Dépliant Looking East (3)

Dépliant Looking East (4)

Dépliant Looking East (4)

Timbre

Timbre

Timbre

Timbre

Timbre

Timbre

CD / J - We are the majority

CD / J – We are the majority

CD / J - We are the majority (verso)

CD / J – We are the majority (verso)