JOURNAL DE VOYAGE en Nouvelle-Calédonie


(…) « si le parcours dans le monde se transpose dans l’écriture, il se prolonge dans le déménagement de la réalité au papier- prendre des notes, les retoucher, les effacer partiellement, les réécrire, les déplacer, en varier la disposition. Montage des mots et des images, saisies par la fenêtre du train ou en traversant la rue à pied pour tourner au coin. »

« Déplacements », Claudio MAGRIS

 

Lundi 16 juillet

A Nouméa, le ciel est bleu, la mer itou qui s’étend, tranquille, sous mes yeux. La température, en cette saison « hivernale », est douce.

Noumea, vue de l'Hôtel Stanley
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Noumea, vue de l'Hôtel Stanley
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Noumea, vue de l'Hôtel Stanley
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Consulté, le médecin diagnostique une pharyngite et prescrit les médicaments idoines. Le retour à l’hôtel s’effectue à pied, meilleure manière de découvrir les lieux : belles demeures et végétation profuse. Au cœur des frondaisons, s’abritent les oiseaux ; leur chant est plus mélodieux que celui de leurs congénères salomonais. Un paysage de montagnes clôt l’horizon.

A l’heure du déjeuner, un taxi file vers la place des Cocotiers. Sur la route, on admire la splendeur d’une baie… De fait, la place est plantée de cocotiers mais aussi de flamboyants. La terrasse de la brasserie sise en ce lieu domine le site. La carte est alléchante et, on se régale sans barguigner d’un tartare de thon jaune et d’un riz à la vanille. Tout, ici, semble d’une propreté méticuleuse ; on a l’impression de renouer avec la civilisation. L’air est doux, on respire et on oublie les chaleurs humides et suffocantes des Salomon.

UN THEATRE A LUI TOUT SEUL !

Longue et fructueuse conversation avec Chris Tatéossian, responsable du bureau export Poemart, une mine d’informations pour le visiteur. Il évoque un livre à paraître au sujet de la musique kaneka, ainsi que divers artistes locaux tels que Edou, Guruma, Ykson, le duo Dick et Hnar et le poète et slameur Paul Wamo. Les deux vidéos que je visionne de ce-dernier m’impressionnent. Poète, originaire de Lifou, il écrit et dit dans sa langue et en français et use aussi du slam : si Senghor vivait aujourd’hui, il s’exprimerait sans doute ainsi. Cet homme est un théâtre à lui seul !

Je visite, ensuite, la librairie Calédolivres et acquiers le seul livre disponible de Déwé Gorodé, « Graines de pin colonnaire ». Tous les autres sont épuisés et, le prochain devrait arriver cette semaine… En fin d’après-midi, en cette saison, il fait déjà nuit.

Dîner à la brasserie « Au bout du monde », enseigne qui rappelle mon Finistère natal. On découvre le filet de maki-maki, et on croirait volontiers que ce poisson appartient à la famille du thon, accompagné de riz, et arrosé d’un pichet de Bordeaux rouge, hélas glacé ! Comme trop souvent sous cette latitude… Au terme du dîner, malgré trois appels du patron de l’établissement, aucun taxi ne daigne approcher. C’est finalement un membre de la sécurité du restaurant qui me reconduit moyennant 1300 francs Pacifique, prix approximatif de la course. L’homme est un wallisien, originaire des îles Wallis et Futuna, doté d’un physique de joueur de rugby. Il prétend que les Kanak sont des fainéants et que tous les travaux pénibles à Nouméa sont effectués par ses compatriotes. Il évoque aussi les bagarres qui, le samedi soir, opposent Kanak et Wallisiens… Ignorant de ces réalités, on ne le contredira pas.

Mardi 17 juillet

CAP AU NORD

Lever matinal : il est cinq heures et le jour n’a pas encore effacé la nuit. On se dirige vers le nord de l’île, en empruntant d’abord la route de l’aéroport. Première étape à l’extérieur de la ville, un quartier où demeure Evariste, directeur de la SACENC : sa maison s’inscrit dans un lotissement, sis au cœur d’un somptueux décor naturel de montagnes…

Peu après six heures, on prend la route de la province nord, province en pleine expansion économique. Jusqu’à Koné et ses mines de nickel à ciel ouvert, on parcourra 300 kilomètres de « savane ». En fait, des étendues arborées et des terres où paissent des vaches, au pied de sommets majestueux. Les habitations sont rares. Au détour d’une route, on découvre un village où furent déportés des Algériens…

Nouvelle étape à Bourail, le temps de déguster un copieux petit-déjeuner, sous un soleil éblouissant, face à un paysage bucolique de montagnes au pied desquelles, à l’ombre des palmiers, coule une rivière où pataugent des canards… A la sortie de l’établissement, je découvre l’aspect du pin colonnaire, cette essence locale. La côte est, si j’en crois Evariste, est plus escarpée et boisée et, plus sauvage encore. Pourtant, la côte ouest, que nous explorons, est semée de paysages grandioses et la nature y semble inviolée.

Peu après 10 heures, on arrive à Kone. La « Maison Caujolle », maison coloniale du XIX° siècle, abrite les services administratifs du Centre culturel. Courte marche à pied au cœur d’un paysage bucolique qui évoque le matin du monde.

Le Centre culturel est un joli petit édifice construit dans l’écrin de la nature : salles de cours, salles MAO (musique et informatique), locaux de répétition (piano, cuivres, batterie), médiathèque, hébergement et auditorium d’environ 200 places. Un groupe d’adolescents y travaillent sous la direction d’un coach formé aux Etats-Unis. La formation, en résidence en ce lieu à la suite d’un concours-sélection, est composée d’une guitare, d’une guitare basse, d’une batterie et d’une voix, ce qui n’atteste guère la moindre originalité. En revanche, le chanteur, âgé de 17 ans, maîtrise avec aisance la technique vocale. Doté d’un timbre singulier, il jouit d’une tessiture qui excelle aussi dans les aigus.

Apéritif et déjeuner sur la terrasse de « La Nea ».

Il est plus de 16 heures quand nous prenons le chemin du retour, en direction de Nouméa. A 17 heures 30, la nuit s’avance. Etape à Boulouparis.

Sur la route de Koné, étape à Bourail
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Sur la route de Koné, étape à Bourail
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Pins colonnaires
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Koné
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Mine de nickel
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Maison Caujolle
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VIOLENCES ET PLEIN EMPLOI

Le soir, après dîner, le taxi, une fois encore se fait prier. C’est finalement une dame qui me conduit à l’hôtel. Elle me raconte les violences nocturnes, les projectiles et le viol dont elle fut victime…

« En France, dit Evariste, le directeur de SACENC, pour un emploi, il y a six candidats ; ici, pour six emplois, il y a un candidat. C’est le plein emploi. »

Mercredi 18 juillet

NUAGES

Temps maussade et vent frais. Un voile de brume estompe le paysage : « nuages encore », comme l’écrit Déwé Gorodé. On se promène dans la mangrove qui s’étend à proximité de l’hôtel et, on admire ces formes étranges que sculptent la mer et le vent : arbres, roches, concrétions de sable et de coquillages… La mer et le vent dessinent le paysage.

Nouméa, mangrove
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Je me plains des taxis à l’une des responsables de l’hôtel et lui indique que, à mon avis, cette carence est un handicap pour le tourisme. La réponse fuse mi – fugue, mi – raison : « ici, on ne veut pas de touristes, on a le nickel.» Voilà qui est clair ! Faisons contre mauvaise fortune bon cœur et, offrons un sourire, nous conformant à ce dit de Déwé Gorodé : « un don pour un pardon comme le veut la coutume. »

Jeudi 19 juillet

LA DAME

Ciel azur et mer limpide. Ce matin, rendez-vous au siège du « Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie » avec monsieur Kurtovitch, proche collaborateur de Déwé Gorodé, chargée de la culture au sein cette instance. Contre toute attente, la Dame, dont je poursuis la lecture d’un de ses livres, me reçoit brièvement, le temps d’une dédicace et d’un court échange de propos : Saint-Malo et son festival « Les étonnants voyageurs », Michel Lebris et son passé militant, mon « projet Pacifique »… C’est une personne forte de ses convictions, mais dont émane la douceur.

J’expose, ensuite, à Ismet Kurtovitch le but de ma mission et les pistes de réflexion tracées dans la perspective de ce projet. Familier du Théâtre de la Ville de Paris, qu’il fréquenta autrefois, il déclare que les choix effectués sont « de bons choix, sophistiqués ». Je l’entends comme un compliment. Il précise que « le guichet pour les aides, c’est le Poemart » et, qu’il rédigera « une note ». Que demander de plus ?

MARCHE, MUSEE, ETC

La matinée se poursuit à pied, en direction de la place des Cocotiers, via le port de plaisance, le marché municipal, d’une propreté méticuleuse et dépourvu de pittoresque sous ses pavillons couverts. A l’extérieur comme à l’intérieur, de nombreux étals offrent des produits de l’artisanat local ainsi que des fruits et légumes, parmi lesquels on repère des taros d’eau et de montagne, des ignames, du manioc, des mandarines… rangés aussi méticuleusement que sur un marché japonais. Dans la culture traditionnelle kanak, l’année est scandée par les diverses étapes du cycle de l’igname…

On visite ensuite le Musée de la Ville de Nouméa, qui « relate l’Histoire de Nouméa et de la Nouvelle-Calédonie de 1853 à 1953, et où le visiteur glane les données exposées plus haut.

Nouvelle balade vers le port, la place des Cocotiers, les flamboyants et les bambous… Puis, immobile sur la terrasse de la chambre, on écoute les musiques locales, face à la mer à perte de vue…

Nuit des portes qui claquent…

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Nouméa, siège du gouvernement de Nouvelle-Calédonie.
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Nouméa, ancienne maison coloniale
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Nouméa, Place des Cocotiers
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Vendredi 20 juillet

Temps maussade ; il pleut !

INSOLITE PERROQUET

Déjeuner à  « L’Impala », restaurant sis sur le port, face à la mer. On s’aventure dans l’inconnu  pour choisir un poisson au nom exotique, le perroquet : il sera grillé et accompagné de riz pilaf. Un café gourmand clôt le repas. La conversation avec le responsable de la culture au Haut-Commissariat, dépourvu de pouvoirs réels, s’avère sans grand intérêt.

SUBLIME !

En début d’après-midi, on rencontre Emmanuel Tjibaou, croisé aux Île Salomon, au Centre Tjibaou, œuvre de Renzo Piano. Une œuvre sublime, édifiée au cœur de la nature, d’un architecte à l’écoute des porteurs de la tradition kanak. Les chefferies ont été consultées et écoutées : ainsi, le parking s’étend à l’extérieur de l’entrée ; le chemin qui conduit à l’entrée de l’édifice est aussi un chemin intérieur : en avançant, on se dépouille et on acquiert…

Le long bâtiment s’ordonne au fil d’un déambulatoire, comme dans les villages traditionnels où, les cases, de chaque côté d’une allée, se font face. A l’extérieur, s’élèvent huit édifices circulaires ; métaphores des cases, ils s’envolent vers le ciel…

Traditionnellement, l’habitat kanak s’inscrit au sein de l’environnement. Ici, sur une éminence, s’élève une statue de Jean-Marie Tjibaou. Là, un amphithéâtre de verdure offre ses milliers de places. Là-bas, on découvre des cases typiques du sud, du nord et des îles de la Nouvelle-Calédonie…

Au terme d’une aimable conversation avec Emmanuel Tjibaou, sur la terrasse de son bureau, en sirotant un café, on visite ce Centre, dont il est le directeur, en sa compagnie, le meilleur des guides. A l’intérieur, l’une des « cases » illustre la biographie de Jean-Marie Tjibaou : séminariste, étudiant… réduit à l’état laïc, militant. On insiste sur la nécessité de récupérer le patrimoine kanak et ses valeurs pour être riche de quelque-chose à échanger. Jadis, Alan Stivell ne disait pas autre chose au sujet de la Bretagne et de son patrimoine.

Le Centre comprend médiathèque, cafétéria, espace de réunion, salle de 400 places, galerie d’exposition au sous-sol où l’on admire des œuvres de Wilfredo Lam, Aimé Césaire, Paul Wamo… En-dessous, encore, se trouvent les réserves.

L’heure du dîner, au restaurant « O Soleil », autour d’un vivaneau grillé et en brandade, accompagné d’une purée de carottes, est celle d’une rencontre chaleureuse et instructive : Sacha Terrat, beau garçon coquet, ingénieur du son et musicien esthète dont l’un des titres a séduit mon oreille. Il semble sceptique quant à un éventuel succès en France et me dit « regarder vers l’Asie et l’Australie ». C’est culturellement discutable mais, géographiquement logique. Hélas !

Centre Tjibaou
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Statue de Jean-Marie Tjibaou
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Samedi 21 juillet

A midi, excellent déjeuner,  en compagnie de l’ami Alain, à la « Table des Gourmets » : on se régale de mahi-mahi et son risotto puis, d’une tarte aux prunes. Ensuite, on visite Mangrove, son studio… On se promène dans ce « parc » qui, tel un écrin, enserre le Centre Tjibaou : nature, merveilleuse et envoûtante nature ! Sous le soleil, les lieux sont paisibles et on ne se lasse guère d’admirer l’œuvre de Renzo Piano : a-t-on jamais vu édifice aussi beau?

A l’intérieur, cet après-midi, se tient une sorte de café-concert : trois groupes locaux se produisent devant un public familial…

Dimanche 22 juillet

Adieu le Pacifique ! Nouméa-Tokyo, 7000 kilomètres, à bord d’Air Calin, la compagnie calédonienne. Escale à Tokyo ; ensuite, Air France vole vers Paris, à 9750 kilomètres : 12 heures 40 de voyage via Niigata, la mer, Khabarovsk, puis, cap au nord, au-dessus de la Sibérie, et, à l’ouest, Saint- Petersbourg, la Baltique, l’Allemagne…

 

 

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