Zé Luis

Lundi 14 octobre, 20h30
Théâtre de la Ville
ZE LUIS
Cap-Vert

Zé Luis chant
Manuel Fernandes Pereira guitare
Fulgencio Lopes Tavares guitare
Flavio Lopes Tavares cavaquinho
Julian Corrales Subida violon

LA NOUVELLE VOIX DU CAP-VERT

Le Cap-Vert, une dizaine d’îles et quelque huit îlots, surgis voilà cinquante millions d’années au large de l’Afrique et sertis dans l’écrin de la mer. Une mer turquoise ou bien émeraude, qui murmure au fond des criques, tandis que le souffle d’un vent tiède dans un ciel d’azur caresse vertes montagnes et étendues immaculées de sable fin, blanches salines et lagons bleus… L’Histoire commence au XV° siècle : les Portugais découvrent l’archipel et le colonisent durablement, comme en témoigne aujourd’hui encore l’architecture. Au milieu des années soixante-dix, advient l’indépendance puis, une chanteuse, Cesaria Evora, inscrit le pays sur la carte du monde. « Petit pays, je t’aime beaucoup… » chantait la diva aux pieds nus, des mots français que chacun de ses compatriotes connaît désormais.

A l’heure où le soleil décline, la lumière s’exténue et le jour efface la nuit, des nuées d’oiseaux jacassent dans les frondaisons et les îles s’inondent de musique. Ce peuple pauvre et joyeux, dont on ne remarque guère la pauvreté, chante et danse sa vie. Adepte de la morabeza, il cultive cet art d’une aimable hospitalité et, son sourire et sa joie contaminent le visiteur.

En ces terres, la musique est un paysage mental. Chaque île dessine le sien, offre son propre génie et invente sa musique, métisse à l’image de ce peuple. Mais l’emblème national est la morna, miroir de la « sodade », ce vague à l’âme lusitanien. Née sur l’île de Boa Vista, elle a ensuite essaimée. Originaire de Brava, la plus petites des îles, Eugenio Tavares (1867-1930), compositeur et poète, a rénové ce chant en y insufflant un supplément d’âme insulaire et en le colorant des mots et des sonorités du dialecte créole. Aujourd’hui, la morna est l’une des expressions privilégiées du « paradoxe cap-verdien » : ce désir de partir quand il faut demeurer et, ce désir de rester quand on est contraint de partir. Elle exprime un sentiment romantique qui mêle tristesse, mélancolie et sensualité. Elle s’enracine dans l’âme du peuple cap-verdien, traduit et reflète son identité.

Comme Cesaria Evora, Zé Luis sublime la morna. L’homme est massif. Costume sombre et cravate, il chante d’abord assis, mains posées sur les cuisses. Puis, il se lève, une main dans la poche, micro dans l’autre et esquisse quelques pas de danse. Sa voix, «  chaude et captivante », est un baume. Enfant, fuyant misère et famine, Zé Luis connaît l’exil avec sa famille dans l’archipel voisin de Sao Tomé et Principe. On chante alors pour apaiser la nostalgie, matar sodade, tuer ce vague à l’âme. Sa mère fredonne fados et mornas en vaquant à ses travaux ménagers. Ainsi se familiarise-t-il avec le chant et commence-t-il à chanter. « Je chante depuis aussi longtemps que je me souvienne être moi-même, » dit ce sexagénaire. Depuis, sa voix, timbre velouté et envoûtant, enchante le répertoire : compositions d’aujourd’hui comme musiques d’hier, oubliées, qu’il fait revivre avec ferveur. Zé Luis, dit-on, connaît les paroles de tant de chansons que personne n’a jamais entendues qu’il est la mémoire du patrimoine. Il apprivoise ce vaste répertoire et magnifie mornas douces- amères, épanchement du vague à l’âme, comme il exalte coladeiras déhanchées, allègre expression de l’âme et du corps, et distille mazurkas, comme celles de l’île de Sao Nicolau, voire batuques et sambas… « Je pourrais, dit-il, sans doute chanter pendant deux ans sans m’arrêter, et sans chanter deux fois la même chanson. » Chiche !

Jacques ERWAN