Spokfrevo Orquestra

Samedi 30 octobre 2010 17 h
Théâtre de la Ville
SPOKFREVO ORQUESTRA
Brésil

Fusion incandescete
Le Brésil est terre de musiques. Vaste comme environ seize fois la France, il offre un large éventail de traditions rurales et urbaines : une palette de genres, rythmes, styles… Samba de Rio, coco d’Alagoa ou frevo du Pernambouc…
Né à Recife, capitale d’un Etat du nord-est du pays, ce frevo est une musique carnavalesque. Centenaire mais toujours fringante, elle anime la rue, porte la danse et accompagne la fête. D’aucuns datent de 1909 son apparition. Tous s’accordent à reconnaître son ascendance : la polka militaire ou polka marche, une danse rapide encore en vogue dans les salons bourgeois à la fin du XIX° siècle. Danse sans paroles, le frevo est une sorte de ronde dans les salons et une marche endiablée dans la rue. Son rythme binaire, syncopé, est contagieux. La fièvre qui s’empare de ceux qui y succombent aurait inspiré son nom. Du fait de ses origines, l’interprétation de cette musique requiert un orchestre riche en cuivres. Fruit de techniques de jeu complexes, le frevo est un genre sophistiqué et original et il a suscité l’envie de le porter de la rue à la scène. Sous la direction d’Inaldo Cavalcante de Albuquerque, alias « Spok », maître du genre, les compères du Spokfrevo Orquestra ont, en 2003, relevé ce défi.
C’est un big band. Fort, entre autres, de trois sections de cuivres (trompettes, trombones et saxophones), il marie deux traditions, frevo et jazz. Le frevo épouse l’esthétique du jazz, et ce métissage enfante un frevo à l’accent jazzy, un jazz à l’accent brésilien, le frevo jazz, « une fusion incandescente », si l’on ose ce pléonasme avec la complicité du Jornal do Brasil (17 juillet 2009).
L’orchestre joue un frevo cru, comme il se doit. Les dix-sept musiciens, tous pernambucanos, qui le composent sont nés dans cette musique : ils lui sont fidèles et se l’approprient. Mais les arrangements font la différence : ils autorisent l’improvisation et chacun apporte ce qu’il puise au plus profond de son âme. Dans les années 90, Recife est en pleine effervescence musicale et « Spok » raconte : « J’ai vu ces musiciens improvisant et je me suis demandé pourquoi ne pas faire de même avec le frevo que je jouais de manière si traditionnelle, en suivant les partitions, alors que ces musiciens jouaient du jazz. » Et il poursuit : « ce qui m’intéressait était la liberté du musicien. »
Le répertoire mêle classiques et compositions récentes car ce genre demeure une source d’inspiration : frevos de rue de Levino Ferreira, œuvres de Dominguinhos et Sivuca, virtuoses de l’accordéon, de Duda ou Dorival Caymmi, voire de l’inclassable et génial Hermeto Pascoal… Joyaux que le Spokfrevo Orquestra offre au fil des festivals et de prestigieux théâtres, de l’Afrique du sud à la Finlande, en passant par la France. Il réinvente la tradition : un art et un langage musical uniques.

Jacques Erwan